Le juge d'instruction près le tribunal de Bab El Oued, à Alger, a entendu hier les quatre cadres de la police impliqués dans l'affaire de Achour Abderrahmane, richissime commerçant au centre du scandale de la Banque nationale d'Algérie (BNA). Il s'agit de la dernière étape de l'instruction avant de clore ce dossier volumineux qui à ce jour n'a pas levé le voile sur les circonstances qui ont permis la remise par les services de police d'un document qui le blanchit et qu'il a utilisé au Maroc pour se défendre contre son extradition. Le parquet de Bab El Oued a inculpé, faut-il le rappeler, l'ex-chef de la sûreté de wilaya de Tipaza, Zouaï, placé en liberté provisoire, et l'ex-directeur de la clinique des Glycines, Sbih (fils de l'ambassadeur d'Algérie en France), gardé sous contrôle judiciaire, alors que l'ancien commissaire de Koléa, Gherzouli, a bénéficié d'un non-lieu. Les chefs d'inculpation retenus contre eux sont, entre autres, corruption, abus d'autorité, faux et usage de faux. La chambre d'accusation a confirmé les décisions du juge, alors que neuf autres policiers et officiers de police, ainsi que six commerçants ont été entendus en tant que témoins. C'est à la suite d'une enquête décidée par les plus hauts responsables de la Sûreté nationale que le pot aux roses a été découvert, même si à ce jour de nombreuses zones d'ombre restent entières tant les vrais protecteurs ou parrains de Achour Abderrahmane au sein de l'institution policière n'ont pas encore été inquiétés. Les services de la police judiciaire d'Alger, auxquels l'enquête a été confiée, n'ont malheureusement pas réussi à démasquer toutes les complicités qui ont permis à Achour Abderrahmane d'obtenir le document, alors qu'il était déjà sous le coup d'un mandat d'arrêt, pour lui permettre de quitter le territoire national en toute quiétude. Il s'agit en fait d'un rapport de quelques paragraphes établi par la brigade économique de Tipaza déclarant (en trois jours) l'enquête menée en 2004 sur les pratiques de Achour Abderrahmane infructueuses, alors que les mouvements des chèques de cavalerie, les crédits non garantis et le jeu de traites creuses et croisées se sont poursuivis jusqu'à novembre 2005. En détention provisoire depuis son extradition du Maroc en novembre 2006, après une bataille juridique de plusieurs mois, Achour Abderrahmane est soupçonné aussi d'avoir détourné de la BNA quelque 32 milliards de dinars. Il a été inculpé avec 32 personnes, dont ses associés, sa secrétaire, son épouse et les responsables des agences BNA de Bouzaréah, de Zighoud Youcef, de Cherchell, de Koléa, ainsi que l'ex-PDG de la BNA (M. Chikhi), son inspecteur général, le directeur régional et celui du réseau exploitation, deux commissaires aux comptes, deux experts-comptables, le directeur du service informatique pour, association de malfaiteurs, dilapidation de deniers publics, faux et usage de faux en écriture bancaire, escroquerie et chèques sans provision. Parmi les mis en cause, 15 ont été mis sous mandat de dépôt, notamment les responsables des agences, alors que deux autres sont concernés par des mandats d'arrêt, dont un international, à l'encontre de l'ex-directeur de l'agence BNA de Bouzaréah, actuellement à Londres. Hier, au tribunal de Bab El Oued, saisi du dossier lié au rapport de la brigade économique de la sûreté de wilaya de Tipaza, la surprise a été générale dans les rangs de la défense. L' absence de l'un des inculpés, à savoir l'ex-directeur de la clinique de la sûreté nationale, Les Glycines, M. Sbih, a suscité de vives interrogations. Alors que tout le monde était en vacances, et moins d'un mois après que la chambre d'accusation ait confirmé sa mise sous contrôle judiciaire, celle-ci revient sur sa décision pour le mettre en liberté. L'explication de cette mesure, il faut la chercher ailleurs, révèlent certaines sources au fait du dossier. Là où Mir Ahmed, l'ex-inspecteur général de Khalifa Airways condamné dans le cadre de l'affaire Khalifa à deux ans de prison ferme, a réussi à bénéficier d'une liberté provisoire pour quitter la prison et, quelques mois après, le pays, à destination du Canada où il est installé. Comment a-t-il pu quitter le territoire national alors qu'il était sous le coup d'une liberté provisoire ? Une lourde interrogation comme celle qu'a suscité le scandaleux procès de l'ancien président de l'Association nationale des zaouïas, Kaddour Gouaïche, conseiller du président de la République. Enrôlé à la dernière minute, sans informer les avocats, ce procès a eu lieu très tard dans la nuit et s'est terminé par la condamnation de Gouaïche à quatre ans de prison, dont trois avec sursis. Le plus scandaleux pour la défense est le prononcé du verdict. En effet, le juge a déclaré le verdict contradictoire, alors que l'ex-conseiller du Président n'était pas présent aux débats. Une décision qualifiée de choquante par les avocats. Ces cas de justiciables au-dessus de la loi ne sont pas isolés et ont tendance à se multiplier ces dernières années, et prouvent que la justice n'a pas encore arraché son indépendance.