Après plus d'un mois d'enquête sur une affaire unique de détournement de fonds au sein de la BNA, la brigade économique et financière de la Sûreté de wilaya d'Alger a présenté, vendredi soir, une vingtaine de personnes au procureur près le tribunal de Sidi M'hamed, à Alger. Les auditions ont duré une bonne partie de la journée et les premières décisions du magistrat instructeur ne sont tombées que tard dans la soirée. L'affaire a éclaté à la suite d'un courrier anonyme adressé aux plus hautes autorités du pays dénonçant les mouvements de fonds opérés dans les agences de Koléa, Bouzaréah et Cherchell vers des comptes non alimentés de commerçants et de sociétés écrans et sans qu'ils ne soient mentionnés dans les registres bancaires. La première mission de contrôle dépêchée par l'inspection générale auprès de la BNA, interne, n'a rien décelé d'anormal, alors que la seconde, engagée sur décision des plus hautes autorités du pays, a levé un véritable lièvre. En l'espace de trois années (2002-2005) seulement, une somme de 2 milliards de dinars a été détournée, causant un préjudice financier estimée par une enquête interne à 15 milliards de dinars. Une plainte a été déposée par la direction générale de la banque auprès du parquet et l'enquête de la brigade économique a pris fin vendredi dernier avec la présentation au parquet d'une vingtaine de personnes. Pour l'instant, les traces retrouvées de cette malversation du siècle concernent le montant de 2 milliards de dinars, transférés en grande partie à l'étranger. Vendredi dernier, et à en croire une source proche de l'enquête policière, une somme de 10 millions d'euros aurait été récupérée chez un des commerçants impliqués dans cette affaire. Cette information n'a pu être confirmée hier auprès des services judiciaires. Néanmoins, nos sources ont expliqué que la banque risque de ne récupérer qu'une infime partie des fonds subtilisés d'autant que les bénéficiaires sont actuellement en fuite et certains ont carrément quitté l'Algérie vers des pays où ils ont pu ériger de véritables fortunes sur le dos du Trésor public. Il faut dire que cette affaire a causé un énorme préjudice à la banque, notamment dans les agences mises en cause, où de nombreux clients ont retiré leur argent dès l'éclatement du scandale de peur de subir le sort des clients de la banque privée Khalifa après sa mise en banqueroute. Selon des sources judiciaires, il est fort probable que l'instruction judiciaire dévoile dans les jours à venir la phase cachée de cet immense iceberg pour situer les véritables responsabilités au niveau central de la banque. En effet, pour les spécialistes de la finance, il est quasiment impossible que des détournements de montants aussi importants ne soient pas repérés au niveau central par les organismes de contrôle interne tels que les audits et les bilans de la comptabilité annuels. De grandes complicités ne sont donc pas à écarter et de nouvelles révélations risquent d'éclabousser encore davantage l'une des plus importantes banques publiques du pays. Un très mauvais point pour un secteur qualifié de goulot d'étranglement de l'économie nationale.Ainsi, six personnes ont été mises sous mandat de dépôt, parmi lesquelles des commerçants et proches de certains cadres de la banque ayant bénéficié de ces mouvements de fonds illicites. Le magistrat a également placé sous contrôle judiciaire sept autres personnes dont l'ancien directeur général de la BNA, le directeur régional de la même institution qui occupait avant le poste de directeur de l'agence de Koléa et l'inspecteur financier ainsi que d'autres cadres de la même banque pour n'avoir pas mis en action les organes de contrôle pour détecter une telle arnaque. Six autres mis en cause, dont des commerçants et le directeur de l'agence BNA de Bouzaréah, sont en situation de fuite.