35 inculpés ont fait l'objet de la prise de corps, alors que sept sont en détention préventive. Le principal accusé est en fuite. Très attendu par l'opinion publique et les observateurs nationaux et internationaux, le procès Khalifa, du nom de l'ancien président du groupe financier, Rafik Khalifa, 40 ans, réfugié à Londres depuis 2003, s'ouvre, aujourd'hui, au niveau du tribunal criminel de Blida. Il concerne 104 inculpés qui sont accusés de plusieurs chefs d'inculpation, dont la faillite frauduleuse, vol qualifié, association de malfaiteurs, faux et usage de faux. Mise en liquidation en mai 2003, la Khalifa Bank était la base de l'empire financier bâti par le jeune investisseur, qui a lancé plusieurs chantiers dans le pays à l'instar de la compagnie aérienne Khalifa Airways, Khalifa Catering, Khalifa Rent Car, Khalifa Confections, Khalifa Construction, Khalifa Médicament et Khalifa Santé, soit presque un Etat dans l'Etat. La réussite a été fulgurante et au rendez-vous des actions menées par l'homme fort, Rafik Khalifa, présenté alors comme le symbole de la nouvelle génération d'hommes d'affaires nationaux appelés à propulser l'Algérie sur la voie du développement économique sous le label libéral. Il investira même le champ médiatique international en lançant deux chaînes de télévision satellitaires Khalifa-TV et Khalifa-News. Sa côte a vite grimpé auprès de l'opinion publique en créant une nouvelle dynamique d'emploi, particulièrement chez la frange des nouveaux diplômés. Mais l'empire s'écroulera tel un château de cartes après la découverte d'une «faille» dans la gestion financière de la banque d'une valeur de 320 millions d'euros après une enquête des services de l'Inspection de la Banque d'Algérie qui avaient relevé des dysfonctionnements et des transgressions à la loi dans le mode de gestion de la banque. Huit parmi les inculpés dans ce scandale sont, actuellement, en fuite. Il s'agit de gestionnaires de haut rang en charge des différents postes de responsabilité dans le Groupe Khalifa. En plus du premier responsable Rafik Abdelmoumen Khalifa, il y a le directeur général de Khalifa Bank, le conseiller particulier du président du groupe, le directeur adjoint à la trésorerie de la banque, de l'ancien et premier directeur de la banque et d'un des fondateurs de cet organisme financier, de l'ex-épouse de Abdelmoumen Khalifa et de l'ancienne gestionnaire de la compagnie aérienne Khalifa Airways. Toutes ces personnes font actuellement l'objet d'un mandat d'arrêt international et résident, actuellement, en France et en Angleterre. Celui de Abdelmoumen Khalifa a été lancé le 14 juin 2003. Certaines sources font état de changement de résidence pour le premier responsable du Groupe Khalifa qui serait, actuellement, au Brésil. La signature de la convention d'extradition entre l'Algérie et la Grande-Bretagne, qui implique l'arrestation des personnes recherchées par la justice algérienne serait derrière le départ de Abdelmoumen Khalifa de la Grande-Bretagne. Les négociations, au sujet de la procédure d'extradition des inculpés, était en cours depuis plusieurs mois entre les autorités algériennes et britanniques. Au niveau national, ce procès concerne aussi de hautes personnalités dont un ancien ministre et des gestionnaires de grandes entreprises publiques qui sont poursuivis pour les décisions prises au sujet des dépôts de fonds de leurs entreprises au niveau de Khalifa Bank. 35 inculpés ont fait l'objet de la prise de corps, procédure judiciaire habituelle dans ce genre de procès, alors que 7 sont en détention préventive. Khalifa Bank a été créée par son propriétaire le 2 mars 1998 avec un capital social de 500 millions de dinars et reçu son agrément le 27 juillet de la même année. Cette «affaire», dont l'instruction a été clôturée au mois de juin 2006, est passée pour être examinée par la chambre d'accusation près la cour de Blida après plusieurs reports suite à la demande de la défense. Les avocats des inculpés ont jugé que les délais d'examen de l'ordonnance de renvoi qui leur étaient accordés étaient insuffisants par rapport à l'importance et au volume du dossier. Mais au terme des délibérations de la chambre d'accusation, il a été décidé du renvoi de l'affaire devant le tribunal de Blida. L'éclatement de l'affaire Khalifa a donné lieu à une floraison de scandales bancaires qui ont mis à nu les mécanismes de fonctionnement du système bancaire algérien. Les autorités avaient alors renforcé les contrôles sur les banques privées et publiques, dont l'organisation archaïque et le laxisme dans la gestion facilitent toutes les infractions. Elles ont, ainsi, mis au jour une cascade de scandales financiers, dont l'un des protagonistes fut la Banque commerciale et industrielle d'Algérie (Bcia). L'ouverture économique de l'Algérie a donné lieu à une course effrénée pour la création d'organismes financiers depuis 1994. Sans parler des opérations frauduleuses qui ont entouré les octrois de crédits et qui impliquent un bon nombre de hauts responsables gestionnaires de banques publiques actuellement entre les mains de la justice ou en fuite à l'étranger. L'ancien président-directeur général de l'établissement public de la Banque de l'agriculture et du développement rural (Badr) reconnu coupable d'octroi de crédits sans garantie, a été condamné en novembre à trois ans de prison ferme, en même temps que trois cadres de la banque et le directeur général de la société privée bénéficiaire, Digimex. Un autre procès, impliquant trois Algériens, qui viennent d'être extradés par le Maroc, est attendu dans les prochaines semaines. Les trois prévenus sont accusés de «complicité dans le détournement de deniers publics, émission de chèques sans provisions, escroquerie et faux et usage de faux», au détriment de la Banque nationale d'Algérie (BNA). Ce qui montre bien que le système bancaire algérien était inapte pour prendre en charge la mutation de l'économie algérienne. De même que des questions restent posées au sujet des bénéficiaires du dysfonctionnement de ce système.