-La hausse des cours des céréales ne risque-t-elle pas de compromettre l'objectif de l'Algérie de réduire sa facture des importations ? D'emblée, je peux vous dire qu'il n'y aucune inquiétude à se faire pour l'approvisionnement du marché national par rapport à l'agitation qui caractérise la bourse des céréales. Le pays est sécurisé. Nous n'avons jamais abordé une crise comme celle qui se dessine actuellement en situation aussi favorable. Nous avons des stocks de sécurité suffisants qui vont faire de nous un pays qui n'a pas importé de blé dur pour toute l'année 2010 et probablement le premier semestre 2011. Depuis deux ans, notre pays est arrivé à atteindre des productions qui lui permettent de couvrir une bonne partie de ses besoins. Pour la deuxième année consécutive, l'Algérie n'a pas importé de blé dur, chose qu'elle n'a pas faite depuis quarante ans. Pour l'orge, nous sommes autosuffisants avec un excédent qui permet de couvrir les besoins du pays pour deux ans, sans compter la production des prochaines années. Avec ces deux produits phare qui nous coûtaient des centaines de millions de dollars, nous sommes à l'abri de l'agitation que connaissent la Bourse de Chicago et le marché mondial des céréales. En ce qui concerne le blé tendre, les niveaux de production sont en progression. Cela nous permet de couvrir nos besoins pour au moins un semestre. Nous agissons avec lucidité. Grâce aux informations de sa cellule qui suit l'évolution du marché international, l'Office a anticipé dans l'achat de 4 millions de quintaux de blé tendre en juin, c'est-à-dire au moment où son prix était très bas. Nous avons aussi acheté 2,5 millions de quintaux en juillet. Achats qui nous ont permis d'avoir une marge de sécurité en matière d'approvisionnement du marché. Nous agissons en fonction des grandes tendances du marché des céréales pour nous assurer le maintien d'un stock minimum de six mois. -Quels sont les facteurs à l'origine de l'actuelle flambée des prix des céréales sur le marché international ? L'agitation du marché n'est pas due à un manque de production, mais plutôt aux achats anticipés de traders qui constituent des stocks flottants sur des bateaux. Ces achats ont déstabilisé le marché qui a enregistré une flambée des prix, mais ces perturbations sont plus conjoncturelles que structurelles. La production mondiale est certes en légère baisse, mais celle-ci n'est pas à l'origine de cette situation. Selon les experts, le produit est disponible. Mais le marché est réellement perturbé. La tonne de blé tendre a connu une hausse de 100 dollars en un mois. Il est passé de 196 dollars la tonne au mois de juin à 300 dollars actuellement. Les spécialistes écartent cependant une crise semblable à celle de 2008 où il y avait une indisponibilité du produit et les prix avaient atteint 800 voire 1000 dollars. Cette effervescence du marché des céréales est donc liée à des problèmes conjoncturels dus à la gestion des stocks et à un certain nombre d'événements qui ont agi sur la Bourse. La Russie, l'Ukraine et l'Ouzbékistan enregistrent une sécheresse qu'ils n'ont pas vécue depuis un siècle. Or, la Russie est le troisième pays exportateur au monde. Les conditions climatiques particulières que vit l'Europe centrale (les inondations en Allemagne, en Hongrie, en Bulgarie) ont également affecté la production de ces pays. Cela sans oublier la situation de crise que vit la céréaliculture canadienne où il y a une diminution de la production et des superficies emblavées de plus de 39%. -Quelle est la position de l'Algérie par rapport au marché ? Sommes-nous toujours parmi les plus grands importateurs ? En ce qui concerne le blé dur, on avait le statut malheureux de premier importateur au monde. Maintenant, on n'importe plus. On est autosuffisants. Pour l'orge, l'Algérie était également un grand pays importateur. Là aussi, on n'a pas importé depuis 2 ans. Mieux, on a un stock pour couvrir nos besoins pour les deux prochaines années, sans tenir compte de la production des années à venir. On a même fait un premier pas d'un pays qui exporte. On a testé nos capacités à organiser des opérations d'exportation. On avait perdu la culture d'exportation, on ne faisait qu'importer. Pour le blé tendre, structurellement on est encore dépendant du marché international pour quelques années. L'alternative qu'on va développer dans le cadre de la politique qu'on est en train de mettre en place nous permettra, par exemple, de compenser les importations en blé dur par les exportations d'orge. -Quel est le bilan de la campagne moisson- battage de cette saison ? L'OAIC a atteint un niveau de collecte de blé dur équivalent de celui de l'année dernière. Il en est de même pour le blé tendre. Le seul problème de cette année, c'est l'orge. Les zones à culture d'orge, c'est-à-dire les zones agropastorales, les Hauts-Plateaux et la frange Tébessa, Khenchela, sud de Batna et M'sila, El Bayadh, le sud de Tiaret, ont été affectées par des conditions climatiques difficiles durant les mois de mars et avril. Il y a eu un début de sécheresse qui a coïncidé avec un stade végétatif sensible de l'orge. La production a donc été affectée. On aura une baisse d'environ 30% par rapport à l'année dernière. Pour ce qui est du blé dur et du blé tendre, qui sont cultivés dans les Hauts- Plateaux, les plaines intérieures et le littoral, des zones qui, en mars, avril et mai, ont enregistré des conditions climatiques relativement favorables, la récolte est bonne. Le Conseil international des céréales a fait une session spéciale à Londres pour étudier le cas Algérie, un pays structurellement déficitaire, mais qui n'importe plus depuis 2 ans de blé dur et d'orge. -Avons-nous les potentialités pour devenir autosuffisants ? Nous avons des réserves de productivité très importantes qui ne sont pas exploitées. Il y a une dynamique qui se dessine actuellement en termes d'amélioration de la production et de la productivité. Le meilleur indice de l'augmentation de la production c'est le rendement, car il inscrit l'augmentation dans la durée. On est passés d'un rendement moyen en 1990 de 8 quintaux à l'hectare à 12 en 2000. En 2010, nous avons atteint 17 quintaux à l'hectare. A court terme, on peut arriver à 20 quintaux à l'hectare. On est en train d'introduire maintenant l'irrigation d'appoint. On est passés de 50 000 ha en 2008 à 180 000 ha en 2009. On espère arriver à 500 000 ha l'année prochaine. Si on arrive à généraliser cette technique, nous réduirons au strict minimum nos importations de blé tendre et couvrir avec des excédents les besoins du marché en blé dur et en orge. On inscrira dans la durée l'autosuffisance. Vingt quintaux à l'hectare par 3,3 millions d'hectares généreront une production de 66 millions de quintaux par an qui sont largement à notre portée. Cela représente 90% des besoins du marché. L'Algérien consomme entre 180 et 200 kg par an. 75% des calories que consomment les Algériens proviennent des céréales. Sur 1,1 million d'agriculteurs, 600 000 sont des céréaliculteurs. Les superficies sont occupées à 40% par le blé dur, 40% par l'orge, 8% par le blé tendre, 2% par l'avoine. Nous réfléchissons à augmenter la surface du blé tendre. Toutes les études ont prouvé que nous avons l'équivalent de 700 000 ha favorables à la culture de blé tendre. Nous cultivons actuellement 500 000 ha. Nous avons donc une marge de 200 000 ha. -Y a-t-il la logistique nécessaire pour accompagner cette amélioration de la production, notamment en matière de stockage ? Depuis 1985 à ce jour, l'Algérie n'a jamais investi dans les infrastructures de stockage de céréales. Cette année-là, la production était de 20 millions. En 2010, on a une production de plus de 60 millions de quintaux, alors que les capacités de stockage sont restées les mêmes. En mars dernier, j'ai présenté un dossier d'investissement pour le renforcement des capacités de stockage de l'OAIC au Conseil des participations de l'Etat. Le CPE a donné son accord pour un investissement permettant une augmentation des capacités de 10 millions de quintaux pour un montant de 33 milliards de dinars.