La rue Ahmed Bouzrna et l'allée Zoudj Aâyou viennent d'être libérées, pour la énième fois, des petits revendeurs qui les squattent à longueur d'année. Cette fois-ci, il a été décidé une fois pour toutes, apprend-on, de dégager manu militari ces espaces urbains de l'informel. Des CRS sont dépêchés dans les lieux. Ils sont en faction et résolus à ne céder aucun empan. En face de ces derniers, les invétérés squatters se regroupent en grappes, espérant réoccuper le terrain de nouveau. Ils tentent de reconquérir l'espace public pour étaler leurs ballots dans les arcades et la chaussée le long de la rue Ahmed Bouzrina. Les deux groupes se regardent en chiens de faïence. Il y a de l'inimitié dans l'air. Des jeunes cogitent leur vil scénario avant de passer à l'action : ils lancent des bouteilles à partir des balcons pour effrayer la puissance publique, voire la faire déguerpir des lieux. Car, il y a des dividendes juteux à tirer de ces espaces publics qui se louent ou se vendent, c'est selon, à coup de millions. C'est un secret de Polichinelle, me diriez-vous, mais la réalité est tenace. Elle est sourde. Elle obéit à la logique des petits barons qui s'élèvent à l'ombre des lois, alimentant l'informel et nourrissant le négoce de la rue grâce à des jeunes qui, dit-on, n'ont pas de boulot. Et pour que ces derniers ne commettent pas de larcins ni ne passent aux actes d'agression, ni ne fassent de descentes en règle comme des desperados, il serait approprié de leur faire le dos rond, font remarquer de bien-pensants. Le sujet tant ressassé fait en tout cas l'actualité dans les médias et donne de la matière à l'opinion. Chacun y va de son commentaire. Les uns ergotent et donnent raison aux squatters, les autres en ont marre de cette anarchie qui n'a que trop duré et de «hibât eddouala» qui a déserté l'espace public urbain. Même décor dans les abords du marché des Trois-horloges de Bab el Oued où le ramdam créé par la foire d'empoigne est maître des lieux au point où il faut jouer des triceps pour rejoindre le hall de son immeuble, s'écrient les riverains. Plus, à la fin du mois de Ramadhan dernier, les petits nababs revendeurs refusaient de céder le passage aux chauffeurs de bus de l'Etusa, contraints de prendre une autre tangente. L'autorité publique aura-t-elle suffisamment de poigne pour remettre de l'ordre dans une cité qui étouffe sous le poids du désordre ? C'est tout le mal qu'on souhaite.