En dépit de sa popularité confirmée par les derniers sondages qui le créditent de 85% en termes d'indice de confiance des Brésiliens, le président sortant, Lula, s'est refusé à céder à la tentation qui fait recette dans les pays du Sud de se maintenir au pouvoir en briguant un troisième mandat, voire même une présidence à vie puisque les vents lui sont favorables. Même si la Constitution le lui interdit, il pouvait, auréolé de ce charisme jamais égalé par aucun de ses prédécesseurs, obtenir sans difficulté, par la voie démocratique, une révision de la Constitution, faire sauter le verrou constitutionnel limitant le mandat présidentiel à deux mandats et se faire plébisciter pour un autre bail. Il ne l'a pas fait. Et pourtant son parcours de syndicaliste – un milieu où la longévité aux postes de responsabilité est un trait caractéristique de nombreux syndicats dans le monde – l'y invite fortement. Le respect des institutions en place et du principe de l'alternance au pouvoir auront été plus forts que la soif du pouvoir et la course aux privilèges. La leçon de démocratie que le président Lula aura administrée à la classe politique brésilienne d'abord, mais aussi à tous les dirigeants forgés dans le moule du pouvoir personnel assumé ouvertement ou décliné sous un habit faussement démocratique gagnerait à être méditée par les uns et les autres. Il assume publiquement son engagement politique en faveur de sa dauphine, Dilma Rousseff à l'élection présidentielle dont le premier tour s'est déroulé hier en soutenant sa candidature et en s'affichant à ses côtés dans les meetings et sur les portraits officiels de la campagne électorale. Des mœurs politiques que l'on voudrait tant retrouver dans des pays comme le nôtre où l'on n'hésite pas à tordre le cou aux règles les plus élémentaires de la démocratie avec la complicité des institutions pour perpétuer le système en place. Il y a des ruptures et des changements que l'on s'interdit d'opérer même si on sait pertinemment que le fait par exemple de consacrer le principe de la non-limitation des mandats comme cela s'est produit en Algérie avec le troisième mandat de Bouteflika et dans d'autres pays arabes et non arabes est mal vu par l'opinion internationale. Quand verra-t-on chez nous un président de la République sortant, une personnalité politique influente, battre campagne à visage découvert et non pas tapi dans l'ombre, en faveur d'un candidat porteur d'un projet pour la société ? Tant que l'on n'aura pas réglé cette équation de l'indépendance des candidatures par rapport au pouvoir ou pour dire les choses plus clairement du candidat du pouvoir qui plombe le jeu électoral même si l'on se défend que l'on soit aujourd'hui dans ce schéma de pensée politique, toutes les dérives antidémocratiques sont permises. Mais poser cette problématique revient encore et toujours à s'interroger sur la source du pouvoir et la nature du système qui refuse les réformes structurelles annonciatrices d'un nouvel ordre constitutionnel fondé sur des principes démocratiques universellement admis. Les alternatives maison sont moins douloureuses et moins coûteuses politiquement parlant pour le pouvoir.