Toujours au sommet de sa popularité, Lula remporterait facilement un nouveau mandat présidentiel, son troisième, s'il avait le droit de le solliciter. Mais faute de voter pour Lula, les Brésiliens choisiront dimanche probablement Dilma Roussef, désignée par lui pour continuer à faire du “lulisme”. Elle n'a pas le charisme du président sortant mais poussée par Lula, les Brésiliens ont fini par l'adopter et l'appeler familièrement pas son prénom, Dilma, une sexagénaire de l'immigration. Les multiples scandales de corruption qui ont éclaboussé dans les derniers mois le Parti des travailleurs ont éliminé un à un les candidats à sa succession et Lula qui a gardé sa popularité a imposé alors Dilma, qui avait occupé l'équivalent depuis de ministre de l'Energie. Lula a fait campagne à ses côtés en promettant la continuité. Les 136 millions de Brésiliens vont voter à travers elle pour Lula qui a fait en deux mandats de son pays la 8e puissance économique de la planète. Sa méthode, le “lulisme”, une politique sociale contre la pauvreté et le renforcement de la classe moyenne sans sacrifier les classes possédantes. Confortées, ces dernières ont accompli sous Lula des miracles. Avec elle, continuité dans l'impressionnant chantier qu'est devenu le Brésil sous Lula. Taux de chômage passé de 20% à 9%, bourses distribuées aux familles pauvres pour stimuler l'économie, construction de 130 universités et de milliers de kilomètres de routes, présence active sur la scène internationale, notamment depuis que Lula joue les entremetteurs avec l'Iran, au Moyen-Orient... La métamorphose du pays de Pelé a bénéficié d'une politique volontariste de l'Etat depuis l'arrivée de Lula au pouvoir, le 1er janvier 2003. Lula n'arrêtait pas de sillonner le monde, ses opposants ont comptabilisé un an à l'étranger. Lula n'a pas visité tous les recoins de la planète, avec une préférence pour l'Amérique latine, les grands pays émergents comme l'Afrique du Sud, l'Inde, la Chine, la Russie, mais aussi des régions auparavant délaissées comme l'Afrique, et le Proche-Orient, pour rien. Il a fait gagner à son pays 7 places dans le classement des pays développés. Il a fait passer le nombre de représentations diplomatiques, plutôt économiques, de 155 en 2003 à 224 cette année. Partout, il avait une seule obsession : faire la promotion du Brésil et de ses produits, et s'imposer comme un interlocuteur sur les grands problèmes du monde. Le Brésil organise ainsi la rébellion des pays émergents au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), enterre l'Alca, le projet de George Bush d'une zone de libre-échange de l'Alaska à la Patagonie, au profit de l'Unasul, la communauté des pays d'Amérique du Sud. Brasilia cherche aussi jouer les intermédiaires au Proche-Orient, entre Israéliens et Palestiniens, et rapprocher Téhéran des puissances traditionnelles. L'intervention de Lula est mal perçue par Washington. Barack Obama s'accommode mal des prétentions brésiliennes. Son dauphin aura un défi : maintenir cette nouvelle attitude, sans le charisme de Lula, le président sortant. Dilma a un autre atout : avoir été emprisonnée pendant trois ans pour avoir combattu la dictature brésilienne dans les années 1960 et 70. Ses opposants traînent dans les sondages bien qu'ils n'aient pas cessé de parler d'elle avec des préjugés : femme, pas belle, manières masculines, malade… Lorsqu'il quittera la présidence du Brésil, Luiz Iñacio Lula da Silva ne devrait pas rester inactif pour autant. Son nom a souvent été évoqué pour succéder à Ban Ki-moon, qui termine son premier mandat comme secrétaire général de l'ONU à la fin de 2011. Mais outre que la SG de l'ONU a habituellement droit à un second mandat, le rapprochement entre Lula et les chefs iranien, syrien ou biélorusse a irrité les grands dirigeants occidentaux. Mais, rien n'est encore joué.