Approchant de la quarantaine à la vitesse d'un train de marchandises, Malik n'a pourtant pas d'âge ou alors trop ou encore pas assez, parce que Malik ne compte pas puisqu'il préfère penser et surtout parler. Brillant à défaut d'être lisse, Malik est intelligent à défaut d'être intelligible. Jovial à défaut d'être joyeux et rigolard à défaut d'être heureux, Malik est poète le week-end et professeur le reste du temps, inversant parfois les deux pour des raisons de calendrier personnel. Le verbe haut, le mépris à fleur de langue, la méchanceté sincère, le cœur hypertrophié et un besoin de reconnaissance aussi profond qu'une trémie, Malik est un cas particulier dans l'Algérie toujours classée entre uniformes et uniformités. Pour ce Ramadhan, Malik a encore fait ce qu'il a toujours fait, mettant un point d'honneur à casser consciencieusement ce mois de fausse piété à la hache et au burin, se démarquant radicalement de l'idée généralement admise que Dieu puisse avoir la plus petite pensée pour les 7 milliards de zèbres qui se bousculent dans le noir sur la Terre à la recherche de la sortie. C'est entre autres pour ces raisons que Malik a copieusement mangé pendant tout le Ramadhan et a vomi son contenu entier au dernier jour, la veille de l'Aïd, de nuit, dans un grand déversement de rancœur. Vomissant autant son existence, qu'il trouve aussi dénuée de sens que celle d'un hippopotame à la surface de Mars, que celle des autres qu'il trouve particulièrement indigeste, Malik a vomi l'équivalent d'un puits de pétrole de type Rhourde Nouss 2. Au lendemain de l'Aïd, le ventre vide mais le visage repassé, le cœur lourd mais le pas léger, Malik a réalisé qu'il n'était encore pas mort mais néanmoins prêt à affronter une nouvelle vie, la sienne, tout en sachant pertinemment qu'elle ressemblera étrangement à l'ancienne.