Alors qu'une polémique enflamme l'axe Alger-Paris autour de la loi du 23 février 2005, votée par les parlementaires français et qui impose d'enseigner « le rôle positif » de la colonisation, qu'en est-il de l'enseignement de l'histoire de la guerre de libération en Algérie ? Mohamed Hachemaoui, politologue et collaborateur d'El Watan, parle d'un « récit officiel, une histoire dogmatique et démagogique qui tend à procurer une légitimité à l'équipe qui a pris le pouvoir en 1962 et à ceux qui l'ont suivie. Un type d'enseignement qui détourne l'histoire ». « C'est pour cela qu'il y a un tel désintérêt des jeunes pour la guerre de libération, pour cette partie importante de leur histoire moderne. Désintérêt dû aussi au discrédit des élites politiques actuelles impliquées par leur gestion et leur corruption », dit Hachemaoui. « Il y a des phases entières qui sont évidées, voire défigurées. Des figures historiques sont complètement gommées, comme celle de Ferhat Abbas ou Abane Ramdane », souligne le chercheur estimant que le fameux slogan « Un seul héros, le peuple » a causé des ravages en légitimant le « gommage » des grandes figures du mouvement nationaliste. « On ne trouve aucun des six (Mourad Didouche, Mustapha Ben Boulaïd, Mohamed Boudiaf, Rabah Bitat, Krim Belkacem et Larbi Ben M'hidi) sur les billets de banque, la photo des six, elle est esthétiquement magnifique, elle devrait avoir sa place sur tous les frontons de la République », s'insurge Hachemaoui. Pourquoi, se demande-t-il, on n'enseigne pas les textes de Ferhat Abbas ou de l'Emir Abdelkader ? Mais surtout, selon Hachemaoui, on a effacé le pluralisme des courants de cette excitante époque du projet nationaliste : « C'était une dynamique plus riche que celle d'aujourd'hui et qui a connu une diversité de partis qui avaient leurs idéologues, leur presse, leurs publicistes, je pense aux islahistes, aux libéraux, aux nationalistes, aux communistes. Tout cela est effacé en faveur d'un unanimisme et on se retrouve aujourd'hui, avec ce discours démagogique, quelques statuettes inesthétiques et une démobilisation de la société à la veille du 1er Novembre. Cette date est devenue source de rente lorsqu'on compte les budgets alloués à des pseudo-colloques ou ‘‘célébrations'' ». Il faut enseigner la totalité du processus historique, avec tous les aspects, les crises, la bleuite, les assassinats internes, d'après lui. « Cela ne veut pas dire noircir la Révolution, mais une nation devient grande lorsqu'elle se regarde en face pour qu'elle dise ensuite ‘‘Plus jamais ça !''. »