Le rapport de la Banque d'Algérie sur les tendances monétaires et financières de 2009, estimait la part des dépôts collectés par les banques auprès des ménages à 67,89 % de l'ensemble des dépôts du secteur privé en 2009. Une année plus tôt, l'ancien argentier du pays, Abdellatif Benachenhou, indiquait que l'épargne en Algérie était entre les mains de trois acteurs qui sont le Trésor avec 3.500 milliards de dinars de trésorerie, Sonatrach avec 1.000 milliards de dinars et les ménages avec 1.000 milliards de dinars. Pour certains économistes parmi lesquels un chercheur du Cread (Centre de recherche en économie appliquée), le constat est que «l'épargne des ménages est écrasée par l'épargne publique. Les ressources des ménages devraient être canalisées par les banques, mais il n'y a pas d'efforts de la part des ces dernières pour amener les ménages à placer leur épargne dans le circuit bancaire». Pour expliquer cette réticence, cet économiste met en avant la question de «la traçabilité. Les professions libérales par exemple évitent le circuit bancaire par peur de révéler leur revenu réel et subir un redressement fiscal». Quant aux ménages parmi lesquels, surtout des salariés, «ils pensent que les dépôts ne sont pas suffisamment rémunérés, de plus en cas de retrait, cela prend trop de temps et la commission qui revient à la banque est assez élevée». Par ailleurs, après l'affaire Khalifa, «il y a une méfiance» parmi les particuliers. La relation entre le client et sa banque est avant tout basée sur «un contrat de confiance, et avec des affaires comme celle de Khalifa, ce contrat est rompu». Quant aux placements dans des produits financiers, c'est beaucoup plus «une question de culture» et si les gens ne le font pas souvent c'est parce qu'ils pensent «qu'il n'y a aucun gain à placer son argent». En dépit de ces contraintes, l'épargne des ménages occupe une place considérable dans l'épargne bancaire, estime-t-on. Selon le délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers, Abderrahmane Benkhaklfa, «il y a un gisement important à mobiliser là-dedans». Pour se faire, il faut d'abord relever le taux de bancarisation, l'Algérie ne dispose que d'un point bancaire pour 25.000 habitants, contre un point bancaire pour 12.540 habitants au Maroc et 9.530 habitants pour la Tunisie. L'Algérie espère arriver à un point pour 15.000 habitants, ce qui permettrait de «réduire la proportion de l'argent thésaurisé en dehors du circuit bancaire». Si pour l'heure, il est difficile de la quantifier, cette proportion devrait, selon le délégué de l'ABEF, diminuer avec l'exigence légale qui devrait entrer en vigueur en mars prochain et qui fixe à 500.000 DA le niveau au-delà duquel tous les paiements devront se faire par chèque. «Nous nous apprêtons à recevoir de plus en plus de liquidités avec l'entrée en vigueur de cette mesure. Nous nous attendons donc à ce que la thésaurisation diminue notamment avec le développement des moyens de payement car des millions d'acteurs vont devoir changer leur comportement.» Sur le plan macro-économique, la thésaurisation dont l'accumulation de réserves est l'une des figures les plus répandues, selon les experts, devrait se poursuivre. L'ancien chef du gouvernement, Ahmed Benbitour, déclarait il y a quelque temps que «24% de la richesse créée par l'Algérie dort et ne sert à rien». Jusque-là, les autorités monétaires algériennes n'ont affiché aucune velléité de placer les réserves du pays dans autre chose que les bons du Trésor américain même avec une faible rémunération. Un choix prudent mais pour l'instant conforté par les effets catastrophiques de la crise financière de 2008 sur ceux qui s'étaient aventuré à placer leurs réserves dans des placements à risque mais à fort taux de rémunération.