L'argent des entreprises doit aller dans les bonnes banques, qu'elles soient de statut public ou privé. » C'est ce qu'a soutenu hier le ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, à l'occasion d'une conférence qu'il animée à l'hôtel El Aurassi, à Alger. Tout en affirmant que la sécurité financière du pays constitue une priorité de premier ordre pour les pouvoirs publics, le premier argentier du pays n'a pas manqué de soutenir ainsi la nécessité de réexaminer, à terme, l'instruction du gouvernement interdisant aux entreprises et organismes publics d'opérer des dépôts de fonds auprès des banques privées. Le discours du ministre des Finances vient conforter, en ce sens, les propos des experts du Fonds monétaire international, qui soulignaient hier à Alger que les directives du gouvernement seraient mieux si elles ordonnaient aux entreprises de déposer leurs avoirs dans les banques saines, plutôt que de distinguer entre les secteurs bancaires public et privé. Cela étant, avertit l'argentier du pays, « les pouvoirs publics ne laisseront désormais personne jongler avec l'argent ». « Nous avons reçu un coup et nous devons nous méfier des excès », a-t-il lancé, en faisant allusion au scandale financier engendré par la faillite du groupe El Khalifa. Il estimera à ce propos que « tout le monde a une part de responsabilité, à commencer par celui qui a autorisé la création d'El Khalifa Bank ainsi que ceux qui sont chargés de la supervision bancaire ». Evoquant la situation du secteur bancaire public, le ministre des Finances soutiendra que « l'actionnariat unique ne permet pas la modernisation des banques ». Celles-ci, a-t-il expliqué, « ont une faible rentabilité », et leur modernisation nécessite, par conséquent, un traitement définitif de leurs portefeuilles, « en mettant un terme aux découverts non honorés des mauvais clients ». Entre 2001 et juin 2004, a-t-il révélé, « le stock des créances détenues sur les entreprises publiques s'est reconstitué pour atteindre un encours équivalent à 2 milliards de dollars. Cet état de fait découle de la situation du secteur économique public qui compte actuellement quelque 263 entreprises produisant régulièrement des déficits. » Dans ce même ordre d'idées, M. Benachenhou dressera, sans ambages, un constat d'échec total quant aux résultas du premier Plan de soutien à la relance économique (PSRE), mis en œuvre entre 2001 et 2003. Le PSRE, a-t-il signifié, « n'a fait qu'induire une flambée des importations, tandis que les entreprises n'ont pas répondu à l'impulsion budgétaire », soit à l'injection de ressources publiques dans l'économie nationale, censée servir à l'origine à favoriser l'instauration d'une croissance économique tirée par le marché. S'agissant du second plan de consolidation de la croissance, prévu pour les cinq années à venir, le ministre se contentera, en revanche, d'assurer que l'enveloppe de 50 milliards de dollars consacrée à cet effet a été calculée « sur la base d'un pouvoir d'achat réel de l'Algérie et non prévisionnel ». Indiquant au demeurant que le revenu annuel par tête d'habitant se situe actuellement entre 2000 et 2500 dollars, le ministre des Finances a cependant affirmé que seulement un Algérien sur deux consent à déclarer ses impôts. De même, a-t-il encore révélé, le démantèlement du tarif douanier, opéré de manière progressive par les pouvoirs publics, engendrera à terme « un manque à gagner de l'ordre de 145 milliards de dinars » en termes de recettes budgétaires. Se faisant, a-t-il insisté, il faut se préparer dès à présent à compenser ce trou en améliorant la collecte des ressources de la fiscalité ordinaire. L'Etat, a-t-il par ailleurs affirmé, « continuera à assurer la prise en charge des allocations familiales pour lesquelles il consacre annuellement une enveloppe de 22 milliards de dinars ». Le ministre soulignera à ce propos que la disposition introduite au départ dans le projet de loi de finances 2005, prévoyant un transfert de la prise en charge de l'allocation familiale à raison de 50 % aux employeurs, « a été finalement retirée sous l'exigence du président de la République ». Au registre de la réforme de change, indiquera enfin M. Benachenhou, « l'Algérie dispose de suffisamment de ressources extérieures pour rendre plus fluide l'importation des services, permettre l'instauration d'un marché de change à terme, favoriser l'installation de bureaux de change et parvenir en définitive à la décentralisation de l'accès aux devises ».