Située à une trentaine de kilomètres de la ville de Tamanrasset, Izernane est le plus proche regroupement de Touareg nomades, fixé depuis quelques années seulement. La route qui relie cette agglomération au chef-lieu de wilaya est une piste difficilement praticable. Pour y arriver, il faut au moins trois heures en 4x4. Sa population est composée surtout de chameliers. Quelques huttes en roseaux, vestiges des anciennes maisons, entourent encore quelques maisons en dur, électrifiées. L'école fait le plein à chaque rentrée, mais le seul dispensaire du village est dépourvu du minimum nécessaire. Les urgences sont la hantise des habitants, obligés de transférer leurs malades à Tamanrasset. A Izernane, depuis que le tourisme a repris son envol, début 2000, la population vit des chameaux. Une seule bête, louée à des touristes, fait vivre jusqu'à cinq personnes par famille. Une aubaine pour éviter les opérations d'abattage, décidées juste avant, à cause de la misère. Dans ce village, comme dans beaucoup d'autres aux alentours, il n'y a point d'activité, à part le tourisme. Responsable d'une famille d'une quinzaine de personnes, El Mouden est le doyen des guides de la région. Cela fait plus de 40 ans qu'il fait ce métier. Il nous invite dans sa modeste maison pour nous faire part de ses craintes : «Le tourisme est notre gagne-pain. Mes enfants ne savent faire que ça. Maintenant, tout est à l'arrêt. Nous ne savons plus quoi faire ni comment vivre. J'ai mes sœurs, ses enfants, les miens et ceux de mon cousin à nourrir. Heureusement qu'il a plu cette année et que nous pourrons faire paître de nos chèvres et nos chameaux, sinon on aurait été obligés de les sacrifier faute de pouvoir les nourrir.» Trois des enfants de ce guide aguerri rejoignent la discussion. Eux aussi ont peur de l'avenir. L'oisiveté les tue, depuis le début raté de la saison. «Nous ne savons rien faire à part le tourisme. Ils ont fermé des circuits pour des raisons de sécurité et oublient que nous sommes les yeux et les oreilles de cette région. Nous savons tout ce qui se passe ici et nous pouvons retrouver les traces de n'importe quel étranger. Nous avons d'ailleurs aidé l'armée à localiser les otages de 2003 et, aujourd'hui, je peux être formel : il n'y a rien ici. Les terroristes sont au-delà de nos frontières. Il faudrait qu'ils reviennent sur leurs décisions pour nous laisser travailler. Nous ne demandons rien à l'Etat, qu'il nous laisse juste gagner notre vie au lieu d'aller voler», souligne un des fils d'El Mouden, âgé d'une trentaine d'années.