Le très médiatique ministre de l'Intérieur français, Nicolas Sarkozy, est-il désormais dans la posture de l'arroseur arrosé ? Sa conduite de la chose sécuritaire pourrait, aujourd'hui, le donner à penser au regard du véritable effet boomerang qu'elle a produit dans les banlieues parisiennes. L'Ile-de-France, territoire politiquement sensible et stratégique - il est la cible électorale privilégiée du Front national de Jean-Marie Le Pen- parait s'installer durablement dans la violence. Beaucoup d'observateurs de la scène politique française identifient la génèse de cet embrasement de la région parisienne dans les propos incendiaires de Nicolas Sarkozy qui avait notamment, au titre d'une surenchère verbale, employé le mot « racaille » en visant explicitement les jeunes des banlieues. Ce type de dérapage sémantique est accompagné d'une pression sécuritaire sur les banlieues qui a dégénéré en affrontements entre les résidents et les forces de sécurité mobilisées par Nicolas Sarkozy. Les méthodes du ministre de l'Intérieur français paraissent contestables, même pour ceux qui voyaient dans son action musclée une réponse autoritaire aux problèmes que posent les banlieues à l'Etat français. Nicolas Sarkozy, qui était parfaitement dans son rôle en s'attaquant à toutes les formes de délinquance, a poussé la logique de la répression à son point limite en évacuant le facteur humain de sa campagne sécuritaire. En d'autres termes, il semble avoir mis tout le monde dans le même panier sans se soucier de séparer le bon grain de l'ivraie. C'est la peur de la police de Nicolas Sarkozy qui aurait poussé les deux jeunes de Clichy-sous-Bois vers leur tragique mort. Les deux victimes étaient, par ailleurs, inconnues des services de sécurité. Le procureur territorialement compétent en charge du drame a ordonné une enquête pour non-assistance à personne en danger. Dans de telles conditions, le ministre de l'Intérieur français ne pouvait pas, dans le même temps, développer un discours incendiaire et postuler à jouer le rôle du pompier. Un enjeu de politique intérieure Ce sont des populations de jeunes qui, à Clichy et dans d'autres banlieues, nourrissent cette implacable logique d'affrontement induite par la méthode de Nicolas Sarkozy. A cet égard, la banlieue se transforme tout à coup en boîte de Pandore. La question se pose alors de savoir jusqu'à quel point Nicolas Sarkozy, déjà en orbite pour 2007, a mal calculé son coup, lui qui se posait en champion de la discrimination positive et se flattait d'avoir pris à bras-le-corps l'épineux dossier de l'Islam de France qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait su capitaliser. Pouvait-il considérer que tout le peuple des banlieues n'est constitué que de trafiquants de drogue et de voyous irrécupérables et donc inéligibles à une bonne intégration ? Une problématique beauté, car ces jeunes des banlieues que le ministre de l'Intérieur a mis dans le collimateur sont pleinement français au-delà de leurs origines maghrébine ou africaine. Le ministre de l'Intérieur français est dans un tel cas de figure puisque il est d'origine hongroise. On n'intègre pas quelqu'un qui est déjà intégré par la nationalité et la présence permanente sur le sol. Il est plus vrai de dire que les communautés issues de l'émigration ont pu devenir un enjeu de politique intérieure française dans les challenges électoraux. Et c'est précisément dans cette banlieue que réside l'essence du malaise français. Les jeunes des banlieues franciliennes ne demandent pas que soient rappelée leurs origines par les pouvoirs publics, mais que ceux-ci mettent en œuvre toutes les initiatives nécessaires pour réduire la fracture sociale. Cela passe par l'établissement d'un dialogue qui a été toujours contrecarré par les résistances d'une société française qui se refuse à admettre que son vécu d'aujourd'hui est en grande partie une séquence de son histoire et de son passé colonial. La demande la plus voyante qui pourrait alors émaner de ces banlieues est une demande d'égalité de chances, mais aussi et surtout d'une citoyenneté au vrai sens du mot. Le tout n'est pas de monter dans l'ascenseur social, encore faut-il qu'il ne tombe pas en panne. Ce qui parait être le cas depuis que l'Ile-de-France a basculé dans un cycle de violence, dont nul ne peut prévoir à qui il peut profiter .L'avenir ne se bâtit pas sur le sang répandu.