En visitant Alger, Nicolas Sarkozy a-t-il en vue la présidentielle de 2007 en France ? Ce cas de figure donnerait à son rapide séjour en Algérie une connotation électoraliste au regard du vote des Français issus de l'immigration dont les Algériens d'origine constituent le gros des effectifs. Réputé déjà en campagne, l'ambitieux ministre de l'Intérieur français entend donner du sens à chacun de ses gestes publics et il ne fait pas de doute que son voyage algérien doit lui être profitable -au moins sur le plan médiatique- sinon il ne lui aurait pas donné un si large retentissement. Nicolas Sarkozy, venu à Alger peu après une forte délégation du Parti socialiste français conduite par son premier secrétaire, François Hollande, amène les observateurs à faire le lien avec le poids dont pourrait peser l'Algérie sur le sort du scrutin présidentiel de 2007 en France. Le ministre de l'Intérieur est-il venu prendre la mesure du terrain, évaluer l'état d'esprit des officiels algériens quant à sa candidature ? Nicolas Sarkozy n'ignore pas l'attachement profond des Français d'origine algérienne à leurs racines et, au-delà, à leur terroir autant qu'à leurs familles demeurées en terre natale. L'instauration du visa d'entrée en France, et les difficultés de l'espace Schengen, ont contribué à un effet d'éloignement en limitant autant que faire se peut la circulation des personnes de part et d'autre de la Méditerranée. En annonçant, lors de son séjour algérois, un allègement conséquent des procédures de traitement de visas demandés par les Algériens, Nicolas Sarkozy a pu vouloir tirer des dividendes personnels qu'il pourrait investir en cas de besoin. Le ministre de l'Intérieur français peut raisonnablement penser qu'il a lancé un message fort en payant de sa personne car un communiqué des services compétents aurait tout aussi bien pu suffire. Pour un homme politique qui n'envisage pas moins qu'un destin national, les retombées de l'effet d'annonce ne peuvent pas être négligées dans un vote où chaque voix compte. En tant que ministre de l'Intérieur en exercice, il est le mieux placé pour savoir, à l'unité près, le nombre d'inscrits issus de la communauté algérienne, toutes générations confondues. Très en délicatesse avec les populations des banlieues, majoritairement magrébines, Nicolas Sarkozy rebondit sur le dossier du visa pour dédramatiser son rapport tant avec les Algériens qu'avec les Français venus de l'immigration qui pourraient être utiles à son dessein présidentiel. Peut-être pas les jeunes des banlieues, mais dans une probable mesure, leurs parents et leurs grands frères qu'il pourrait vouloir convaincre du caractère positif dans la simplification des procédures d'attribution de visa aux demandeurs algériens et implicitement il pourrait s'attribuer le mérite d'avoir rétabli les passerelles entre des familles séparées. Ce serait un argument de campagne qui en vaudrait bien un autre et le ministre de l'Intérieur français, critiqué pour le durcissement de sa politique sécuritaire ne dédaignerait pas de disposer d'un atout qui illustrerait son image d'homme d'apaisement. Il tire avantage de cet exercice car aucun autre candidat réel ou supposé n'a la même opportunité que lui d'utiliser toutes les possibilités qui pourraient infléchir le débat politique en France. Et ce n'est certainement pas une clause de style si le ministre de l'Intérieur français a tenu à marquer l'importance qu'il accordait à sa visite à Alger. Et il est, en effet, difficile de croire que Nicolas Sarkozy s'est rendu à Alger en touriste. La grande inconnue réside dans la lecture que feront autant les Algériens que les Français à travers leurs classes politiques et leurs sociétés civiles, de cette démarche cousue de fil blanc. A moins de croire que le chemin de l'Elysée passe aussi par Alger.