Le chasseur et l'antilope , présenté à Alger à la faveur du Festival international de la bande dessinée (FIBDA), est le premier de 51 autres épisodes racontant chacun un conte africain. Les contes sont l'autre richesse de l'Afrique. Les Algériens ignorent ces histoires faute d'une orientation culturelle et scolaire qui, pendant longtemps, a tourné le dos à ce continent. Le Festival culturel panafricain (Panaf) de 2009 a eu aussi ce mérite d'avoir ouvert les yeux de certains sur l'Afrique et ses trésors. Le Festival international de la bande dessinée d'Alger (FIBDA) tente tant bien que mal de maintenir ouvertes les fenêtres sur le continent. Le jeune Camerounais, Naricisse Youmbi, reconnaît avoir cru jusqu'au bout à cette manifestation et à sa capacité d'apprendre et d'évoluer. «Le FIBDA a permis à des artistes amateurs d'atteindre le niveau professionnel, de trouver des éditeurs et de devenir des réalisateurs. J'en suis la parfaite illustration», a-t-il dit avant la projection. Après avoir participé à un atelier d'animation, dans les précédentes éditions du FIBDA, il est revenu à Alger, grâce à une bourse d'études française, pour réaliser un court film d'animation. Soutenu par Djillali Beskri et l'équipe de Dynamic art, il a pu concrétiser son projet, Papa Nzenu, un conte d'Afrique. Le chasseur et l'antilope, un court métrage de 13 minutes, projeté en avant-première, mercredi soir, à la salle Ibn Zeydoun, à la faveur de l'ouverture du FIBDA. Papa Nzenu, personnage imaginé par Narcisse Youmbi, est un griot qui raconte les histoires, accompagné, comme le veut la tradition ouest-africaine, de sa kora. Il raconte l'histoire de ce chasseur qui n'arrive plus à trouver du gibier. Il est triste surtout que sa famille attend chaque soir qu'il revienne avec « quelque chose » pour manger. Un jour, il fait une rencontre avec une antilope blessée. L'animal parle et propose un deal au chasseur: sa liberté contre la richesse. «Le bonheur pour nous est la liberté, le bonheur pour vous humains est la richesse», dit-elle. Le marché est conclu. Mais l'humain, qui porte des cellules animales, veut toujours plus. Cupide et égoïste, l'homme oublie souvent ses engagements… Papa Nzenu le saura plus tard. Ce conte camerounais, scénarisé pour le grand écran, est porteur de philosophie et de sagesse. Techniquement, le film souffre d'imperfections au niveau du montage et des bruitages. Mais, ce n'est qu'un premier essai, un épisode-pilote. Le producteur Djillali Beskri et le réalisateur Narcisse Youmbi ont l'ambition de réaliser une cinquantaine de contes africains. Le prochain film sera inspiré d'un conte algérien. «Papa Nzenu va raconter le conte de chaque pays. C'est un vaste projet. Nous avons opté pour le 13 minutes car c'est le minimum pour la télévision. Faire plus, c'est difficile. Nous avons travaillé pendant trois mois avec une équipe de trente personnes. Je me suis senti chez moi au milieu de tous ces jeunes Algériens qui ont pris à cœur le projet », nous a expliqué Narcisse Youmbi, appelant d'autres réalisateurs africains à se joindre à ce projet. Narcisse Youmbi, qui activait au sein de l'association des bédéistes camerounais Trait noir de Douala, a déjà édité deux albums au Cameroun et assuré des dizaines d'illustrations pour les revues. «La BD en Afrique n'est malheureusement pas très développée. Il n'existe pas de véritable réseau de distribution. C'est l'une des raisons qui m'a poussé à me reconvertir pour les films d'animation», a-t-il remarqué. Il nous a révélé que tous les membres de Trait noir vivent actuellement en dehors du Cameroun. Présent lors de la projection, le consul du Cameroun à Alger a déclaré que son pays est engagé à soutenir les initiatives telles que celle de la production de courts-métrages de la série Papa Nzenu. «Ce premier épisode lance les prémices de grands projets. L'avenir appartient aux relations inter africaines», a-t-il déclaré. Selon Djilali Beskri, les artistes qui ont contribué au projet Papa Nzenu ont travaillé avec une incroyable cadence. «Ils ont réalisé ce film en un temps record parce qu'ils ont cru à ce rêve. Pour les artistes algériens, l'Afrique est d'abord couleurs, formes et sonorités. Pour rendre hommage à la sagesse africaine, ils vont puiser dans leur patrimoine commun riche d'oralités ancestrales », fait-il observé. Il a annoncé que chaque épisode de la série Papa Nzenu sera conçu par un réalisateur du pays d'origine du conte. «Le but de ce projet n'est pas de faire des chefs d'œuvre mais de permettre aux jeunes artistes africains de se connaître et de travailler ensemble», a-t-il ajouté.