La Syrie a accepté de coopérer pleinement avec la mission d'enquête de l'ONU chargée de faire la lumière sur l'assassinat en février dernier de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Le président syrien Bachar Al Assad a mis sur pied, samedi dernier, une commission d'enquête nationale présidée par une magistrate, Ghada Mourad, avec pour mission d'entamer des interrogatoires de citoyens syriens, civils ou militaires, sur tout ce qui est en relation avec la commission d'enquête de l'ONU. La commission d'enquête syrienne a entamé ses travaux jeudi dernier. La mission d'enquête de l'ONU, dont le pouvoir a été conforté par la dernière résolution du Conseil de sécurité (la résolution 1636), sommant la Syrie de fournir son assistance au déroulement de l'enquête, ne se serait sans doute pas suffi des déclarations d'intention des autorités syriennes d'ouvrir une enquête sur les accusations portées par la mission de l'ONU contre de hauts dignitaires du régime, si des engagements n'avaient pas été pris, au plus haut niveau par le président Bachar Al Assad, pour faciliter le travail des enquêteurs de l'ONU. C'est la présidente de la commission d'enquête syrienne qui l'a annoncé jeudi, affirmant que cette dernière est appelée à coopérer avec les enquêteurs de l'ONU et les autorités judiciaires libanaises. Le président égyptien Hosni Moubarak a confirmé, vendredi dans un entretien au quotidien égyptien Al Ahram, cette volonté de la Syrie de faciliter le travail des enquêteurs se faisant l'écho de la disponibilité relevée à cet égard auprès du président syrien Bachar Al Assad qu'il a rencontré à Damas le 28 octobre dernier. « Le président Bachar a annoncé, après mon dernier entretien avec lui à Damas, un nombre de pas (...) positifs », a indiqué le président égyptien. « Je suis confiant que sa sagesse conduira à un progrès dans la situation actuelle », a dit M. Moubarak, qui a joué le rôle de médiateur entre le chef d'Etat syrien et les Européens et Washington. De son côté, cheikh Mohammad Ben Ahmad Ben Jassem Al Thani, chef de la diplomatie cairote, a assuré que Damas est prête à coopérer avec cette commission, conformément à la résolution 1636 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée à l'unanimité le 31 octobre. « D'après ce que le président Bachar (Al Assad) m'a dit, ils sont prêts à coopérer d'une façon positive et totale », a-t-il dit aux journalistes sur le perron de l'Elysée, à l'issue de l'audience que lui a accordée le chef de l'Etat français Jacques Chirac. Walid Joumblatt, président du Parti socialiste et progressiste et membre du parlement libanais, a annoncé, pour sa part, à Moscou qu'il est prévu la création d'un tribunal libanais international pour juger les suspects dans l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais, Rafic Hariri. « Si cela s'avère nécessaire, un tribunal libanais international commun sera créé », a-t-il affirmé lors d'un point de presse tout en précisant que le tribunal libanais international ne siégera pas au Liban pour ne pas amplifier la tension des relations libano-syriennes. Walid Joumblatt a par ailleurs souligné que « le recours à un procès international concernant cette affaire est nécessaire en cas d'existence de suspects syriens, les tribunaux libanais ne pouvant interroger les non-Libanais ». La disponibilité affichée par Bachar Al Assad pour aider les enquêteurs de l'ONU dans l'accomplissement de leur mission a permis de faire baisser la tension exercée sur le régime syrien après les conclusions de la commission d'enquête de l'ONU dirigée par le magistrat allemand Detlev Mehlis mettant en cause de hauts responsables syriens dans l'assassinat de Hariri. Des accusations qui se sont traduites par l'adoption à l'unanimité de la résolution 1636 du Conseil de sécurité le 31 octobre dernier. Mais le régime syrien n'a fait que bénéficier d'un sursis. La menace de représailles plane toujours sur le pays. Il reste à savoir si le président syrien a une quelconque responsabilité dans cet événement tragique ou si l'ordre d'exécuter Hariri est venu d'ailleurs (d'autres cercles de décisions qui lui échappent et qui l'ont poignardé dans le dos). Le fait qu'il n'ait pas fermé la porte aux enquêteurs de l'ONU peut laisser supposer à première vue que le président syrien est serein et n'a rien à voir dans cet assassinat. Pour l'heure, deux suspects sont dans le collimateur des enquêteurs de l'ONU : le frère et le beau-frère du président Bachar Al Assad. La suite de l'enquête permettra de démêler l'écheveau de cet ignoble crime et de voir jusqu'où remontent ses ramifications. Si le président syrien est hors de cause, il est intéressant de savoir jusqu'où ce dernier pourra-t-il aller dans sa coopération avec la commission d'enquête de l'ONU. Et s'il sera prêt à livrer les responsables impliqués quels que soient leur rang et leur influence dans le régime et à les faire juger en dehors de la Syrie, si tel est la volonté de la commission d'enquête et comme l'exige la résolution du Conseil de sécurité. La cohésion du régime en place qui a survécu jusqu'ici à toutes les tempêtes risque fort bien avec cette difficile épreuve de voler en éclats.