Fin de mission pour le magistrat allemand Detlev Mehlis à la tête de la commission internationale d'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, mais celle-ci poursuit son travail. Et il est loin d'être achevé et il s'annonce aussi difficile qu'à ses débuts. Celle-ci doit faire face en effet à un certain nombre de questions, entre autres celle de la souveraineté nationale mise en avant par la Syrie avant toute collaboration comme le lui enjoint solennellement le Conseil de sécurité des Nations unies. Tout l'espace est verrouillé, et aujourd'hui, Damas revendique une immunité internationale pour son Président cité comme témoin, ce qui est moralement difficile à supporter, avec sa charge au moins symbolique. Un premier magistrat cité comme témoin, cela se passe de tout commentaire. Toutefois, le président syrien Bachar El Assad ne sera « en aucun cas auditionné » par la commission d'enquête, a affirmé jeudi le ministre syrien de l'Information, Mahdi Dakhlallah. Dans un entretien jeudi à la radio égyptienne Sawt El Arab, M. Dakhlallah a souligné que son pays « reste attaché à son indépendance et à sa souveraineté ». De ce fait, « le président Bachar El Assad ne comparaîtra pas devant cette commission » qui, a-t-il dit, vise à « mettre la Syrie dans l'embarras ». Voilà ce qui devrait mettre fin à toutes les hypothèses, même les plus farfelues. Cependant, la Syrie est prête à coopérer avec la commission d'enquête internationale sur l'assassinat de Rafic Hariri « dans le respect de sa souveraineté », a rappelé son ministre. « La Syrie coopérera entièrement avec la commission internationale, à condition que cette coopération soit basée sur des règles juridiques connues et le respect de la souveraineté de la Syrie », a souligné M. Dakhlallah. Il a également appelé à la signature d'un protocole d'accord avec la commission d'enquête de l'ONU. « Il est très important qu'un protocole soit signé entre la Syrie et la commission d'enquête internationale afin qu'un mécanisme soit établi pour gérer toutes les questions à tous les niveaux », a déclaré le ministre. Cette déclaration survient au lendemain de la nomination d'un nouveau magistrat, le Belge Serge Brammertz, à la tête de la commission d'enquête de l'ONU. M. Brammertz, procureur adjoint de la Cour pénale internationale (CPI) qui siège à La Haye, succède à Detlev Mehlis. Par ailleurs, un responsable syrien s'est refusé à toute déclaration concernant des informations sur une prochaine audition à Vienne par la commission d'enquête de l'ONU de responsables syriens, dont Roustom Ghazalé, ancien chef des renseignements syriens au Liban. « Nous n'allons pas faire de commentaires. Nous préférons ne pas entrer dans ces détails », a dit ce responsable. La Syrie a été mise en cause dans deux rapports d'étape de la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais dans un attentat à l'explosif en février 2005 à Beyrouth, alors que Damas exerçait encore une tutelle sur le Liban. Cette commission a demandé à entendre, outre le président syrien, son ministre des Affaires étrangères Farouk Al Chareh. Parallèlement, les pressions internationales se sont accentuées sur Damas. Mercredi, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a menacé de saisir à nouveau le Conseil de sécurité de l'ONU si la Syrie « continue de faire obstruction » à l'enquête internationale. Le Conseil de sécurité a promulgué ces derniers mois quatre résolutions ayant trait à l'assassinat de Rafic Hariri, demandant à la Syrie de coopérer pleinement avec l'enquête. L'ex-vice-président syrien Abdel Halim Khaddam avait soutenu fin décembre que Bachar Al Assad avait proféré des menaces contre Rafic Hariri avant sa mort. M. Khaddam a aussi dit que les renseignements syriens n'auraient pas pu tuer Rafic Hariri sans l'aval de M. Assad. Mais cela suffit-il pour en faire un coupable ? Plus que cela, il y a cette parole contre celle du président El Assad qui s'étonne que son ancien vice-président ait pu être au courant du contenu de cet entretien, alors que, soutient-il, il a eu lieu en l'absence de tout témoin. Autant dire que le dossier syrien est susceptible de connaître des prolongements insoupçonnés.