Ambiance délétère au centre équestre de Mostaganem qui ferait l'objet d'une tentative d'OPA sournoise de la part d'un opérateur, soutenu par un quarteron de cavaliers. L'ex-wali aurait fait part de son opposition à ce projet et suggéré à l'intéressé de bâtir son propre centre. L'ouverture d'un lazaret au niveau du club permettrait aux factieux d'imposer le fait accompli. Informée de ce bruit de bottes, la fédération équestre tarde à réagir publiquement afin de préserver ses intérêts. Depuis le début de l'été, les convoitises se feront plus incisives et plus menaçantes. Si bien, qu'à la dernière assemblée générale, le président sortant, Mounir Zerhouni, après 25 ans de travail studieux et acharné, se retrouvera en face de jeunes cavaliers ambitieux et rebelles. Ceux qui étaient encore dans leurs langes lors des premiers balbutiements, ses propres élèves, qu'il s'est appliqué à former et à éduquer à l'art de l'équitation et de la chevalerie, viennent de se trouver des âmes de factieux. Leur irréductible revendication se résume à autoriser un particulier à faire rentrer au centre 20 chevaux de selle français. Avec déjà à son actif 15 chevaux - dont 8 juments reproductrices - à l'intérieur des écuries, le soutien de quelques cavaliers et l'atonie troublante de la fédération équestre algérienne, l'entreprenant industriel «risque de devenir de facto le véritable propriétaire du centre» comme le souligne Mounir Zerhouni. Les cavaliers, vite alléchés, se laisseront facilement convaincre et s'érigeront en défenseurs acharnés de cette formule que leur président qualifie de suicidaire. Car avec ces chevaux français très prisés, ils se voyaient déjà triomphants dans les épreuves nationales, voire maghrébines. Pour Mounir Zerhouni, la manœuvre est cousue de fil blanc. Il se demande «qui empêchera l'industriel devenu majoritaire d'imposer sa vision, d'autoriser ou non un cheval à concourir, bref de gérer à sa guise la vie du club? «L'un des plus dynamiques du pays», martèle-t-il non sans émotion teintée d'une certaine fierté. Surtout qu'à l'Ouest, depuis que la jumenterie de Tiaret a été cédée à la garde républicaine, le club de Mostaganem prend ipso-facto le relais. Ainsi, grâce à l'appui des enfants du club, ce dernier fleuron risque de changer fondamentalement la carte équestre nationale. Car, avec l'introduction de ces chevaux, - qui devraient coûter pas moins de 5 milliards de centimes –, l'écurie de l'opérateur sera portée à 35 montures, soit l'essentiel du potentiel du centre, rien n'empêchera ce mécène de faire fructifier autrement ses lourds investissements. Ce que craignent les centaines de jeunes qui observent avec compassion et tristesse ce bras de fer entre leur dévoué président et ceux censés servir d'exemples à suivre, c'est la persistance de cette situation qui est en train d'entamer le travail d'un quart de siècle et qui ne fera qu'amoindrir l'engouement de jeunes cavaliers pour l'activité équestre. Un plan machiavélique Avec autant de moyens, beaucoup de gens de bon sens se demandent ce qui empêche cet opérateur d'ouvrir son propre centre équestre, enrichissant ainsi la région d'une nouvelle structure d'équitation. Car ce que craignent les amateurs des joutes équestres, c'est cette volonté d'hégémonie et ce qu'elle suggère. Ici, personne n'omet de souligner que le centre se trouve à la lisière de la ville et qu'il possède en bien propre un terrain de plus de 15 hectares, à seulement deux pas de la zone industrielle. Qui empêchera alors la transformation de cet espace en zone constructible, pour peu que son statut passe dans le domaine privé. Alors que l'ancien wali, contacté par l'industriel, aurait fait part de son opposition à toute manœuvre de soustraction de ce bien public, et que la fédération équestre algérienne tarde à prendre position en vue de la sauvegarde de son patrimoine, l'entrepreneur serait parti en compagnie d'un cavalier faire son marché en France. Dans les prochains jours, lorsque les chevaux débarqueront au port de Mostaganem, il se murmure que les services vétérinaires compétents pourraient désigner le centre équestre pour héberger le lazaret. Une structure de quarantaine où les animaux importés doivent obligatoirement séjourner afin de s'assurer qu'ils sont indemnes de toutes maladies. Ce que craignent nos interlocuteurs c'est que le lazaret ne serve que de porte d'entrée avant de se transformer en gite permanent. Ainsi, pour Mounir Zerhouni, «le plan machiavélique d'accaparation du centre deviendra une réalité». Dans une lettre à sa fédération, le président du club souligne que ce «plan, n'ayant pour objectif que l'appropriation de la structure (…) pour (…) fin d'industrialisation, tout en gardant une activité équestre de façade qui servirait de protection». Au moment où le patriotisme économique est remis en selle par le gouvernement, il paraît pour le moins irrationnel qu'une structure héritée de la colonisation et dans laquelle l'Etat algérien a investi de gros sous et de grands espoirs, puisse ainsi passer au privé grâce à la faiblesse des uns et à la lâcheté des autres. La privatisation des unités des ERIAD ne s'est-t-elle pas avérée désastreuse pour la céréaliculture nationale au point que dans les bureaux du palais du gouvernement la récupération des silos est évoquée avec insistance? Un exemple à méditer avant que n'intervienne l'irréparable. Informés des tractations en cours, un groupe de notables locaux serait sur le point d'organiser une contre-offensive afin de soustraire ce centre à toutes les convoitises. Il se dit également que le nouveau wali se tient informé de la situation léguée par son prédécesseur. Pour les centaines de familles qui faisaient de ce centre l'unique lieu de repos et de détente, c'est la hantise de perdre ce petit bout de paradis qui prédomine.