Le bilan de la neuvième nuit de violences est le plus lourd depuis le déclenchement des émeutes. Près de 900 véhicules sont partis en fumée ; en plus des écoles et des bâtiments publics. L'opposition demande la démission du ministre de l'Intérieur. Ce matin à Paris, la même question revenait dans toutes les discussions. « Ça a cramé dans ton coin ? » La réponse est presque toujours identique. « Oui, plusieurs voitures ». Le gouvernement français multiplie les réunions et les consultations. Rien n'y fait. L'Etat échoue à rétablir l'ordre. Le Premier ministre multiplie les déclarations d'apaisement et de fermeté. Son discours a du mal à passer auprès des jeunes des banlieues, parasité par celui de son ministre de l'Intérieur. Bilan : près de 900 véhicules incendiés dans toute la France, des écoles et bâtiments publics attaqués. Si les affrontements avec la police ont diminué, les émeutes se sont étendues géographiquement. Celles-ci ont gagné la province. Toulouse, Strasbourg, Rouen, plusieurs villes se sont embrasées. La police a procédé à 250 interpellations. Nicolas Sarkozy, cible des émeutiers et de l'opposition qui demande sa démission, se trouve obligé de jouer la solidarité gouvernementale, de s'en remettre presque au Premier ministre Dominique de Villepin. « Le gouvernement est unanime sur la fermeté. Nous continuons une action extrêmement forte. La violence, ce n'est pas acceptable. Chacun doit comprendre que mettre le feu à un véhicule, c'est injuste à l'endroit du propriétaire du véhicule et ça peut coûter cher en termes de condamnation. J'ai eu le Premier ministre ce matin tôt, je l'ai eu une partie de la nuit. Nous avons travaillé ce matin, nous nous reverrons cet après-midi », comptabilise le locataire de la Place Beauvau, plus que jamais fragilisé. Il tente de reprendre le terrain en usant d'une rhétorique sociale, en se projetant dans un avenir où il serait toujours ministre : « Une fois que la crise sera passée, une fois que le calme sera revenu, chacun doit comprendre qu'il y a aussi certainement un sentiment d'injustice dans un certain nombre de quartiers. ça fait longtemps que je le pense et longtemps que je le dis : la fermeté va de pair avec la justice. On ne peut pas être ferme si on n'est pas juste. » Les jeunes des cités sont passés à un autre stade : ils réclament des excuses publiques de Nicolas Sarkozy ou sa démission. L'opposition aussi lui demande des comptes. « Nous avons en face de nous des gens dangereux, un ministre de l'Intérieur qui est dangereux et qui se prend pour un shérif. Il veut diviser la France en deux, entre les gens biens et les voyous qui habiteraient dans les banlieues. S'il ne démissionne pas, le Président ou le Premier ministre devraient demander sa démission. Les mots de Nicolas Sarkozy sont inacceptables dans une démocratie », s'emporte le député Vert Noël Mamère. Pour le maire de Bègles, Nicolas Sarkozy « ne fait que récolter ce qu'il a semé. On se demande comment cela va s'arrêter. La spirale est là. Le discours sécuritaire est un échec total, puisqu'il aboutit à l'insécurité ». La population concernée retient son souffle. Cette dixième nuit verra-t-elle les rues s'embraser de nouveau ? Et surtout quel sera le prochain département à basculer dans les émeutes ?