Les émeutes déclenchées le 27 octobre dernier, à la suite de la mort des deux adolescents, tunisien et malien, ont gagné, dans la nuit de samedi à dimanche, le coeur de Paris. En effet, la capitale française, jusqu'ici épargnée par la violence, a été la proie d'une vague de violences jamais égalée depuis mai 1968. 32 véhicules ont été incendiés, pendant la nuit de samedi à dimanche, au centre-ville, et trente personnes ont, après une course-poursuite, été appréhendées par les CRS déployés en grand nombre. L'annonce du gouvernement français d'engager rapidement un plan d'action pour améliorer le train de vie dans les banlieues défavorisées, n'a pas, semble-t-il, réussi à décolérer. Au contraire, les émeutes ont redoublé d'intensité et la crise a empiré, rapportent des agences de presse. Hier à l'aube, la préfecture de police a annoncé avoir arrêté pas moins de 312 personnes. Devant l'ampleur des événements, Nicolas Sarcozy, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, a réuni, samedi dans la nuit, tous les responsables des services de sécurité pour évaluer la situation, mais aussi décider d'une stratégie pour faire face à la révolte des «banlieusards». Ainsi, pas moins de 2300 policiers ont été appelés en renfort avec la participation, pour la première fois, de sept hélicoptères équipés de puissants projecteurs et munis de caméras vidéo pour les besoins des enquêtes. En parallèle, plusieurs voix, dont celles du recteur de la mosquée de Paris ainsi que le père de l'une des victimes électrocutée à Clichy-sous-Bois, ont multiplié les appels au calme, en vain. Au contraire, les émeutes semblent se propager telle une traînée de poudre atteignant le IIIe et le XVIIe arrondissements de Paris, au centre même de la capitale française. En dix jours d'émeutes, pas moins de 3500 véhicules ont été incendiés et plus de 800 personnes ont été interpellées, ont annoncé hier les autorités françaises. Nombre de villes, jusqu'ici épargnées par la violence, sont entrées à leur tour dans un climat quasi insurrectionnel, notamment Evreux, Nantes, Rennes, Toulouse, Lyon, Lille, Strasbourg et à Pau, dans le sud de la France. A Evreux, dans l'ouest de l'Hexagone, les émeutiers ne se contentent plus d'occasionner des dégâts matériels, mais sont passés carrément à l'affrontement. En effet, des dizaines de jeunes encagoulés, armés, d'après des témoignages concordants, de battes de base-ball, ont affronté les policiers durant une bonne partie de la nuit de samedi dernier. Bilan : plusieurs blessés dans les deux camps. Cela au moment où la banlieue parisienne continuait toujours, au dixième jour, d'être la proie des mêmes scènes de violence, incendie des véhicules, saccage des édifices et même des écoles, des gymnases et des centres culturels. L'ampleur de la crise est telle que des hommes politiques au sein de l'UMP, le parti de Jacques Chirac, n'ont pas hésité à appeler le gouvernement à instaurer l'état de siège dans les localités touchées par les événements. C'est dire la gravité de la situation, imputée par l'opposition à Nicolas Sarkozy après ses déclarations à l'encontre des jeunes issus des quartiers défavorisées qualifiés de «racaille» et qu'il faut «nettoyer au Karcher» (un puissant jet d'eau dont sont équipés les camions antiémeute des CRS). Pendant ce temps, le président de la République française observe toujours un «mutisme». L'entourage immédiat du chef de l'Etat français a assuré samedi soir que Chirac s'exprimerait « le moment venu, s'il l'estime nécessaire.» En d'autre termes, Jacques Chirac tient là une occasion tout indiquée de se débarrasser définitivement de son ministre de l'Intérieur, qui n'a cessé de lui faire de l'ombre depuis sa prise de pouvoir, en écrasant l'opposition socialiste qui a été aux rênes du pays durant plusieurs mandats. En tout état de cause, le chef de l'Etat français devrait tôt ou tard intervenir vu que la crise est devenue de plus en plus grave. Il reste à savoir maintenant quelles seront les décisions spectaculaires que décidera de prendre Chirac pour ramener le calme devant sa porte puisque les émeutes ont déjà atteint Paris, la capitale.