Hadj Sadok Tahar a soutenu cette année sa thèse de doctorat portant sur le cactus. Il nous livre, dans cet entretien, l'état de la culture de cette plante en Algérie et la relation entre chercheurs agronomes et responsables qui sont à la tête du secteur agricole. - En tant que chercheur, les pouvoirs publics vous ont-ils sollicité pour le développement de la culture du cactus et profiter ainsi de ses nombreux bienfaits ? A vrai dire, notre département recèle de près de 30 thèses et mémoires de fin d'études dont l'objet de recherche est le cactus. En dépit de l'existence, à notre niveau, d'une base de données assez conséquente sur cette plante ainsi que de notre entière disposition à oeuvrer pour le développement de sa culture dans notre pays, les pouvoirs publics ne nous ont jamais sollicités pour qu'on puisse entamer cette démarche. On est disponible pour développer aussi les variétés inermes de la figue de barbarie (sans épines) qui sont très demandés. Officiellement, l'Etat lance, de temps à autre, des programmes pour développer la culture du cactus. Néanmoins, il s'agit là surtout d'une politique qui ne connaît pas de suivi. A titre d'exemple, des rencontres entre notre ministère de l'Agriculture et des spécialistes mexicains de cette plante (le Mexique est le pays leader dans ce domaine) ont eu lieu mais sans pour autant sortir avec du concret. Bref, on est prêts à collaborer, à notre manière, pour développer la culture du cactus, pourvu que la volonté politique existe. - Dans le cactus, on consomme surtout la figue de barbarie. Dans votre thèse de doctorat, vous vous êtes penché sur la valorisation alimentaire des cladodes du cactus qui ont la forme de raquette. Comment peut-on les consommer ? A travers ma thèse, j'ai tout d'abord commencé par étudier la composition chimique et la valeur alimentaire de cette plante pour l'être humain. J'ai même pu démontrer que les jeunes cladodes peuvent être utilisées dans l'industrie agroalimentaire. On peut en extraire du jus contenant une quantité non négligeable de minéraux, de fibres, de vitamine C et de polyphénols. Nous avons aussi mené une nouvelle expérience en Algérie, constituant à utiliser le jus des cladodes dans la fabrication du yaourt. Nous avons remarqué qu'il était accepté par le consommateur et qu'il n'affectait pas le déroulement de la fermentation. Il avait, bien au contraire, un effet d'acidification, lequel est nécessaire pour avoir un bon yaourt. Pour l'animal, une expérience a été menée en Afrique du Sud par des chercheurs scientifiques où des moutons ont survécu pendent 5 mois en prenant uniquement le cactus. Cette plante constitue alors une bonne source d'abreuvage et de fourrage pour le cheptel dans les zones désertiques. - Selon vous, pourquoi nos voisins ont vite compris «l'enjeu du cactus» alors que notre pays semble être encore indifférent face à un «grand trésor» ?
Sans compliquer les choses, la réponse est claire. Nos voisins de l'Est et de l'Ouest n'ont pas de pétrole et essayent d'exploiter toutes autres richesses naturelles pouvant donner un plus à leur économie. Au Maroc à titre d'exemple, les revenus des agricultures qui exploitent la plante du cactus sont de 3000 dollars hectares annuellement. Dans le même pays et dans certaines zones, la céréaliculture a été carrément délaissée au profit du figuier de barbarie. Les échanges d'expériences entre ces deux pays dans ce domaine sont importants. Chez nous, on reste encore indifférent, alors que c'est tout le monde qui est conscient de «l'enjeux du cactus». Le développement du marché des fruits bio et exotiques en Europe et aux états unis d'Amérique ne cesse d'ouvrir des perspectives commerciales pour cette plante. Chez nous, la production du fruit ne constitue pas encore une activité économique qui présente un intérêt majeur. En dehors de son fruit, c'est toute la plante qui est intéressante. Il ne faut oublier toutefois de rendre hommage au travail que fait le Haut-Commissariat pour le développement de la steppe. Cette dernière a planté, durant la fin des années 1970, le cactus pour stopper la désertification. Il y a quelques années, la wilaya de Tebessa a connu la plantation de 10 000 hectares de cactus. On peut dire que cette expérience a bel et bien réussi puisque les agriculteurs de cette région frontalière avec la Tunisie, maîtrisent cette culture, grâce notamment au savoir-faire apporté par les Tunisiens. Par contre, d'autres expériences similaires n'ont pas réussi. En 2005, le Haut-Commissariat au développement de la steppe a avancé un taux de destruction de 44% des nouvelles plantations par les gelées. Le rôle des chercheurs dans ce cas est plus que primordial afin de mettre en place des variétés résistantes et qui répondent aux spécificités de chaque région. Tout cela dépendra de la volonté politique…