Le mois de mai 1992, Driche-Tedjini Ahmed, plus connu sous le nom d'Ahmed Wahbi, était la neuvième personnalité du monde de la culture et des arts à être décoré de la médaille «Achir », alors qu'il était sur son lit d'hôpital, à Ben Aknoun, dans la banlieue d'Alger. Sur le petit écran, les téléspectateurs découvrirent un homme amaigri, méconnaissable…Il s'éteindra quelques mois après, le 29 octobre 1993 et sera, selon ses vœux, enterré dans la capitale, loin d'Oran, sa ville d'adoption. Wahbi avait 71 ans et un parcours fabuleux dans le monde de la chanson, durant quarante années. Auteur compositeur dans le registre de la chanson oranaise, il a interprété plus de 800 chansons, depuis l'enregistrement de son premier disque 78 tours, en 1949, à la maison d'édition « Pacific ». En fait, sa premiere apparition en public remonte à l'année 1946 à la salle «Atlas» d'Alger, avec Rouiched, Keltoum, Aderrahmane Aziz, Mohamed Touri, Missoum et Cheikh Er-Rouge. Driche-Tedjini Ahmed est né en 1921 à la clinique «Ste Anne» de Marseille (Sud de la France). Orphelin dés son jeune âge, il fut recueilli et élevé après le décès de sa mère, par ses grands parents qui habitaient à Médina Djedida, à Oran. Cependant, avant d'être un artiste reconnu, Ahmed Wahbi a connu la gloire dans le milieu de l'athlétisme et de la natation, après avoir été sacré champion dans le 110 mètres haies. Après s'être investi dans chanson, dans les années 40, l'année 1950 sera une période faste, après sa rencontre avec Cheikh Abdelkader El-Khaldi . Il signera ses plus belles chansons dont « Ya Touil Erragba », « El Ghezal », « Yemna ». Son répertoire sera également enrichi, grâce à l'apport d'un autre chantre du « Chi'r El-Malhoune », Cheikh Mostefa Benbrahim. Ahmed Wahbi fut aussi un militant nationaliste durant la guerre de libération nationale (1954-1962), lorsqu'il rejoint en août 1957, la base frontalière de l'Est, Ghardiamaou , pour renforcer la troupe artistique du FLN et participer à des tournées de galas dans les pays amis d'Europe, d'Asie et du Moyen Orient, pour représenter l'Algérie et son peuple en lutte pour sa liberté. A la base Ben M'hidi, (Maroc), et dans les centres de soins ouverts dans la bande frontalière de algero-tunisienne, Ahmed Wahbi apporta réconfort et bonheur, à travers des interprétations de son répertoire, au profit des Djounoud, de l' Armée de Libération Nationale (A.L.N). Après l'indépendance, son itinéraire artistique sera jalonné de succès avec ses chansons telles « Wahran, Wahran ». Auteur compositeur, interprète, Ahmed Wahbi se préoccupa aussi du devenir des autres artistes, en présidant durant deux mandats successifs aux destinées de l'UNAL (Union Nationale des Arts Lyriques), en qualité de secrétaire général. Il sera l'invité de nombreuses émissions télévisées après sa rencontre avec feu Saïm Hadj son principal parolier. Il produira 19 œuvres de qualité. Ce fut une rencontre féconde que le chanteur mettra à profit pour mettre en musique les belles qacidas, comme « Fat elli fat », « Cha'lat la'youne ». Ahmed Wahbi a participé dans des galas en parcourant d'autres villes du pays. Sa personnalité s'est forgée aussi dans ses séjours à l'étranger, comme à Paris où il se produisit au cabaret « El-Djazaïr » de la rue de la Huchette, dans le quartier latin. Il est vrai que Wahbi a donné à la chanson oranaise, une dimension qui a dépassé les frontières du Maghreb. Il s'inspirait toujours des grands maîtres de la chanson orientale classique et aimait évoquer de lointaines anecdotes nées de la rencontre avec Farid El-Atrache ou Mohamed Abdelwahab et aussi son admiration pour Ryadh Soumbati. Son retour dans la ville qu'il a toujours adulée sera une halte assez longue pour réfléchir à un projet qui lui tenait tant à cœur. Au crépuscule de sa vie, Ahmed Wahbi avait à cœur de manager un institut pour la promotion de la chanson oranaise avec des enseignants et un programme pédagogique élaboré. Le décor était planté dans le projet de réaménagement du Palais des Arts et de la Culture d'Oran (PACO) mais le projet n'a pas pu être concrétisé. Ahmed Wahbi va connaître les pires moments de sa vie. Son épouse va décéder suite à une maladie. Ce qui l'affecta énormément. Ensuite, son fils Dader , fut ravi à la fleur de l'âge, victime d'un accident de la circulation. Ce fut le coup de grâce. L'auteur de Wahran, Wahran ne se relèvera jamais. Il dépérit et ne résista pas aux aléas de la vie. Cette ville sera quand même reconnaissante en mentionnant son nom sur le fronton du conservatoire entièrement rénové. C'est le seul souvenir qui rappelle ce monument d'une richesse inestimable.