En cette période automnale, des dizaines de touristes affluent vers l'ancienne médina, arpentant le dédale du bâti ancestral et découvrant l'architecture de la cité du fondateur Bologhine, Ziri Ibn Menad, sous l'œil des vigiles. Ce qui me turlupine, ce ne sont pas ces douérate confortées par les étaiements dans le cadre de la première phase d'urgence, achevée depuis plus d'une année. Ce qui me tracasse, ce ne sont pas ces ruelles vidées de leurs artisans disposés autrefois en enfilade ; les uns ne sont plus de ce monde, au moment où d'autres ont jugé bon de mettre la clé sous le paillasson ou troqué leur savoir-faire contre un négoce plus rémunérateur. Ce qui importune, ce n'est plus le sentiment d'insécurité qui, l'on se rappelle, faisait fléchir le visiteur de sillonner, lors de la décennie noire, ces venelles tortueuses. Ce qui fait hérisser les cheveux sur la tête, ce n'est pas l'absence de panneaux chevillés aux sites et monuments chargés d'histoire et de légende (Dar El Maâkra, le cimetière des princesses, Zaouïa de Sidi Benali, etc.) et permettant au quidam de se frotter un tant soi peu au patrimoine immatériel ou encore Dar Essouf, Dar El Cadi ou le Palais Ahmed Bey, fermés pour des raisons que l'on ignore toujours. L'on nous ressasse à l'envi et depuis des lustres que la réhabilitation du patrimoine exige du temps, de la qualification et des sous, surtout pour la citadelle confiée au BET polonais PKZ que suppléent cinq autres BET nationaux. Soit. Mais lorsque je vois des processions de touristes défiler dans cette Casbah, j'ai le haut-le-cœur tant la saleté est maîtresse des lieux. Des tonnes d'ordures ménagères balisent les sinueuses ruelles que parcourent les visiteurs venus s'imprégner, l'espace d'un temps, de l'atmosphère – joliment esquissée dans la Toile – de la ville de Sidi Abderrahmane, Sidi Bougueddour, Sidi Mançour et Ouali Dada. Cette cité, inscrite, depuis 1992, patrimoine universel dans les tablettes de l'Unesco, n'a de cesse de prendre des coups. Elle s'enlise au fil des jours, des semaines et des mois, dans son hideux décor qu'elle arbore honteusement aux convives. Elle est devenue repoussante tant ses cloaques pestilentiels à ciel ouvert entourés de monticules de gravats et d'immondices parsèment l'entrelacs de ses ruelles dépavées et ses cours médiocrement aménagées ou squattées. Je m'interroge dès lors : faut-il user de moyens pour détourner le regard des visiteurs de ce tableau répugnant, se confondre en excuses ou leur expliquer sans détour que nos Epic observent une grève illimitée? Embarrassé, je lève l'ancre non sans un pincement au cœur et je médite sur le sort de cette «maudite» Casbah, abandonnée par les siens et malmenée par ceux qui la désertent. Ceux-là mêmes qui gavent l'opinion publique de poudre de perlimpinpin.