De passage à notre rédaction, un groupe d'anciens syndicalistes projetant de créer une association pour fédérer les forces syndicales nous livrait sa première préoccupation : trouver une salle publique autorisée susceptible de servir de lieu de rencontre. Puis de faire état du second écueil : les autorités délivreront-elles un agrément à cette association qu'ils ont pris le soin de présenter comme un espace de rencontre et non pas comme un syndicat revendicatif ? Ces syndicalistes, qui sont en quête de ce qui peut les unir, redoutent le courroux des autorités comme l'ont subi ces derniers temps les enseignants, les personnels de la Fonction publique, de la santé et d'autres corporations de métiers. Tous ont pâti des désunions, œuvres de l'inexpérience des uns et des autres, parfois d'ambitions personnelles à peine voilées. Mais les échecs sont d'abord imputables aux autorités publiques redoutant de voir se fédérer des forces sociales en mesure de se transformer en espaces de démocratie et de liberté, et donc de servir de contre-pouvoirs démocratiques. Les demandes d'agrément des syndicats autonomes sont rarement acceptées et le recours à la répression à l'encontre des élus des travailleurs investissant la rue est devenu systématique. Cet acharnement à l'égard des syndicats libres a motivé la fermeture de la Maison des syndicats d'Alger et s'inscrit en droite ligne dans la volonté du pouvoir gouvernemental de garder, vaille que vaille, malgré son discrédit, l'UGTA comme interlocuteur privilégié du monde du travail. Grave erreur de calcul car les syndicats libres, du fait de la confiance portée en eux par les travailleurs, notamment les salariés, peuvent servir de courroie de transmission entre ces derniers et les pouvoirs publics. Sauf en cas de blocages délibérés, ils peuvent éviter aux entreprises des paralysies dans le travail hautement pénalisantes en ces temps de crise et préserver la rue de troubles parfois graves, toujours traumatisants tant pour les travailleurs que pour la population. C'est, certes, un apanage démocratique, mais le syndicalisme libre est également un instrument de régulation sociale et un facteur de paix sociale. Le pouvoir politique ne l'a pas compris ainsi, car il baigne dans une culture de suspicion à l'égard de la société civile : tout ce qu'il ne contrôle pas est considéré comme potentiellement subversif, y compris dans le mouvement associatif à caractère social et économique. Lorsque le Forum des chefs d'entreprises (FCE) conduit par Rédha Hamiani a commencé à développer un discours un peu trop critique envers la gouvernance économique du pays, ordre a été donné par le gouvernement à toutes les entreprises publique de quitter ce forum. Quant au CNES, il ne lui reste plus comme héritage de référence que la période où, dirigé par le défunt Bachir Mentouri, il portait un regard critique sur la gestion de l'Exécutif. Ce n'est aujourd'hui qu'une coquille vide.