Les membres de l'Assemblée populaire nationale (APN) ont-ils toutes les prérogatives et les moyens nécessaires pour contrôler le budget et les dépenses de l'Etat ? Exercent-ils réellement ce pouvoir de contrôle ? La majorité des députés, que nous avons rencontrés, ont déclaré qu'ils ont toutes les prérogatives pour la réalisation de cette tâche, mais concrètement et sur le terrain, le contrôle au sens propre du terme ne se fait pas. Cela reste au stade de la théorie. M. Mokri, représentant du Mouvement pour la société et la paix (MSP), a indiqué que les députés ont le pouvoir de contrôle sur tout ce qui se rapporte à la gouvernance, et ce, de par la constitution et le règlement intérieur de l'APN. « Nous avons l'outil juridique pour l'interpellation du gouvernement sur les différents aspects et pour demander le bilan des activités dans chaque secteur. Nous pouvons exercer cette mission à travers les questions écrites et orales, le débat général, les motions de censure et la mise en place d'une commission d'enquête », a soutenu M. Mokri, qui estime, néanmoins, que ces éléments restent d'autant plus insuffisants que les rapports de force au sein de l'APN freinent le processus de contrôle. « Tant qu'il y aura en Algérie des élections basées sur la fraude intelligente, tant qu'il n' y aura pas une véritable démocratie, un député ne peut nullement exercer cette fonction de contrôle », dira notre interlocuteur qui estime toutefois que la démocratie en Algérie est en train de se construire, « La preuve tient à la mise en place de la commission d'enquête pour faire la lumière sur la fraude électorale. Certes, les résultats de l'enquête n'ont pas été convaincants, mais nous considérons cela comme un pas en avant. Nous sommes convaincus qu'en l'absence de contrôle, il n'y aura pas de développement économique ni une réelle ouverture démocratique » , dira M. Mokri qui a affirmé que l'alternance au pouvoir reste l'unique option pour un changement radical. « Pas de bilan » M. Djoudi, député du Parti des travailleurs (PT), a relevé que le pouvoir législatif a toute latitude pour contrôler le pouvoir exécutif, mais dans la pratique cela ne se fait pas. Comme pour mieux illustrer ses propos, il nous informera, à titre d'exemple, que son parti a demandé à maintes reprises l'ouverture d'un débat sur la loi 84-17 qui régit les lois de finances en vue de le réactualiser. « Nous avons demandé aux différents ministres, qui se sont succédé à la tête du département des finances, de nous ramener la loi en question afin de revoir certaines de ses dispositions, en vain », a-t-il indiqué. Pour sa part, M. Benkhalef, du mouvement El Islah, a enchaîné dans le même ordre d'idées, en affirmant que normalement les députés ne devraient pas accepter l'ouverture d'un débat sur une nouvelle loi de finances sans qu'ils aient examiné le bilan de la loi de finances précédente. « Depuis 1987, aucun bilan d'une loi de finances n'a été présenté à l'APN. A notre avis, ceci est très grave, car nous ne pouvons pas effectuer une étude comparative et nous ne pouvons pas de ce fait savoir si l'argent dégagé a été dépensé ou pas, ni d'ailleurs comment il a été dépensé », dira M. Benkhalef qui a tenu à préciser que les députés dans leur ensemble ont demandé et insisté sur ce point et celui de revoir la loi 84-17. « M. Benachenhou a promis avant son départ de présenter le bilan de la loi de finances 2004. Karim Younes, avant sa démission, avait interpellé le gouvernement sur ce sujet et le pouvoir n' a pas respecté cette demande... », a affirmé notre interlocuteur, qui ajoute que le contrôle des finances de l'Etat au niveau local se fait sans aucun problème, puisque l'assemblée locale peut constituer une commission qui se penchera sur la question. Comment contrôler M. Benkhalef trouve, en outre, inadmissible que le budget de fonctionnement de l'APN ne soit pas adopté par les députés et que ces derniers ignorent complètement l'enveloppe allouée à cette institution. « Le budget de l'APN est adopté par la commission des finances et le bureau, alors que dans les pays qui se respectent celui-ci doit faire l'objet d'un débat en séance plénière. » M. Fekair, député FLN, a relevé que le constituant algérien a défini d'une manière précise les règles et les mécanismes de contrôle du gouvernement par les membres du Parlement. Pour cela, il existe des mécanismes de contrôle antérieurs à l'acte gouvernemental, à savoir l'adoption du programme du gouvernement et la loi de finances et, comme moyens postérieurs, l'interpellation du gouvernement à travers les questions orales, à l'occasion de la présentation du bilan politique du gouvernement et les commissions d'enquêtes. Cependant, M. Fekair a révélé que ces mécanismes de contrôle montrent leur efficacité dans un régime parlementaire caractérisé par le dualisme du pouvoir exécutif et non dans un régime tel que le nôtre qui balance entre un régime présidentiel et parlementaire. « L'efficacité de ces mécanismes est limitée par le fait de se trouver devant un pouvoir exécutif exercé par le président de la République non-responsable devant le Parlement et un gouvernement avec des prérogatives limitées, mais responsable tout de même devant le Parlement », explique M. Fekair. Concernant le contrôle des dépenses du pouvoir, notre interlocuteur a indiqué que les députés n'ont ni les données ni les moyens adéquats pour pouvoir porter leur contrôle sur la loi de finances. « Les députés ne peuvent pas contrôler la véracité des chiffres avancés par le représentant du gouvernement, d'où la nécessité de réfléchir à un outil juridique qui permet à l'APN de contrôler l'utilisation des finances publiques », dira-t-il. Certains députés du RND estiment, eux, que la présentation du bilan de la politique générale par le chef du gouvernement est une démarche qui permet aux députés de contrôler le pouvoir.