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De faux-monnayeurs écoulent 40 millions d'euros à Mostaganem
Un réseau aux ramifications Internationales
Publié dans El Watan le 06 - 11 - 2010

Entre les faux dinars et les faux euros, la région de Mostaganem est actuellement au cœur d'une crise majeure qui prend ses sources dans la diffusion, parfois à grande échelle, de fausses monnaies Alors que pendant plusieurs mois, le démantèlement de réseaux plus ou moins puissants, ayant souvent des ramifications internationales, se suivent et se ressemblent, il apparaît clairement que depuis le week-end dernier, on ait franchi un autre seuil dans le trafic. En effet, les services de sécurité ont interpellé trois faussaires que l'instruction préliminaire présente comme étant le relais d'un réseau international spécialisé dans la diffusion de faux euros. Selon des sources proches du dossier, il s'agirait d'un trafic d'une ampleur jamais égalée auparavant.
Ce réseau, qui aurait des ramifications avec les mafias de France et d'Italie, aurait introduit et, probablement, commercialisé pas moins de 40 millions d'euros, soit l'équivalent de 5 milliards de dinars (500 milliards de cts). Les trois faussaires, âgés de 27 à 35 ans, n'auraient aucun antécédent judiciaire connu, ce qui prouve que l'organisation à laquelle ils participent aurait recruté des personnes au-dessus de tout soupçon. Ce qui n'est jamais le cas pour la délinquance habituelle où une simple virée du côté des récidivistes permettait aux services de sécurité d'appréhender des suspects, qui finissaient par être confondus.
Manifestement, dans ces affaires de fausse monnaie, les instigateurs prennent des précautions supplémentaires dans le but évident de ne point attirer les soupçons. Ensuite il y a le choix des cibles qui s'avère très judicieux. En effet, si la région de Mostaganem, et à un degré moindre Oran, est ciblée par ces trafiquants, c'est bien parce qu'elle offre des opportunités. En effet, connue pour son agriculture florissante et ses multiples marchés hebdomadaires, la wilaya de Mostaganem brasse de très grosses sommes d'argent. Le plus intéressant dans l'histoire est que tout ce mouvement s'effectue en dehors de toute structure et dans la plupart des cas en rase campagne.
C'est le cas du marché de Mesra où défilent tous les vendredis des milliers de commerçants et d'acheteurs venus de toutes les grandes villes de l'Algérois, de la Kabylie, de l'Oranie et du Sud. Son marché de véhicules est incontestablement le plus important de toute l'Oranie, voire de l'Algérie. On y vient de toutes les régions et on y vend et achète tous types de véhicules, de la petite mobylette au semi-remorque et autres engins agricoles ou de travaux publics. Pour la seconde semaine, les opérations liées à la vente de véhicules sont restées proches de l'insignifiant.
La filière africaine
Curieusement, alors que le marché est totalement tétanisé, l'affluence n'a jamais été aussi importante. Beaucoup pensent que depuis quelques semaines, le marché serait sous haute surveillance. De leur côté les marchés hebdomadaires de la région sont atteints d'une grande fébrilité. Cette ambiance délétère aura également introduit le doute sur le marché à bestiaux de l'ouest du pays. Surtout qu'à l'approche de l'Aïd El Kebir, les maquignons et autres chevillards qui brassent habituellement d'énormes sommes, préfèrent mettre un frein à ce commerce florissant. Dans cette filière où toutes les transactions s'effectuaient en toute confiance, l'arrestation de faussaires aura eu un effet dissuasif certain. De nombreux acteurs ont tout simplement décidé de ne plus effectuer de transaction.
D'autres ont choisi de ne pas prendre le risque de se faire payer en fausse monnaie, préférant effectuer les transactions à crédit. Un maquignon ayant pignon sur rue dans la région, nous indiquera ne plus commercer qu'avec des gens de confiance, tout en se refusant à prendre de l'argent. Pour lui, les encaissements se feront une fois la sérénité revenue. Au moment où les premières pommes de terre d'arrière-saison sont mises sur le marché, c'est la ruée des camions qui viennent de toutes les contrées du nord du pays. Car ici, c'est la petite bourgade de Sirat qui sert de lieu de ralliement et qui regroupe des centaines de camions venus prendre livraison du précieux tubercule.
Là encore, toutes les transactions s'effectuent dans les champs. C'est ce qui explique l'engouement des faussaires pour la région. En effet, un trio de Maliens qui disposait d'un équipement sophistiqué vient d'être intercepté à Sidi Charef. Il venait d'échanger 600 millions en faux dinars contre 300 millions en vraie monnaie. Car une fois les faux billets introduits dans le circuit, seuls des détecteurs sont en mesure de faire le tri. Qui songerait à s'équiper d'un détecteur de fausse monnaie au beau milieu de la campagne ? Dans cette insoutenable ambiance, on parle d'un autre groupe d'Africains qui serait pisté par les services de sécurité.
Le billet de 1000 DA pestiféré
Même lorsqu'ils brassent des sommes colossales, nos fellahs préfèrent les mettre en lieu sûr plutôt que de les confier à une banque. Chez tous les acteurs de la filière agricole, la peur du fisc est un point commun. C'est ce que les faussaires ont bien compris et c'est pourquoi, il n'est point étonnant qu'ils aient jeté leur dévolu sur cette région.
D'autant qu'avec les échanges réguliers de produits frais et de bestiaux, il est plus facile d'atteindre toutes les régions du pays en s'appuyant sur cette véritable plaque tournante qu'est devenue la plaine de Bordjias. On se souvient qu'à la mi-août, la police judiciaire (PJ) de Mostaganem avait démantelé un réseau de bijoutiers originaires de Batna qui écoulaient des faux billets de 1000 DA fabriqués avec du papier volé à Marseille et destiné à la Banque d'Algérie. Il s'agissait de 44 rouleaux de papier fiduciaire fabriqué chez un imprimeur allemand. Depuis, il ne se passe pas une semaine sans qu'un faussaire soit interpellé.
Si bien que même lorsque l'argent provient des institutions publiques, il est frappé de suspicion. Dans la campagne, au niveau des agences postales et des guichets de banque, le billet de 1000 DA est devenu pestiféré. D'aucuns déclinent cette coupure, lui préférant de loin les vieux billets de 200 DA. Jeudi dernier, sur les ondes de la radio locale, un responsable d'Algérie Poste a tout simplement lancé un appel aux citoyens afin qu'ils fassent rentrer l'argent dans les banques afin de réduire la tension qui règne sur son réseau. Un appel qui a peu de chances d'être entendu, ceux ayant de vrais billets préférant les garder plutôt que de les échanger contre des liasses frappées de suspicion.


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