Il semble bien que les pouvoirs publics aient opté pour un recours massif aux entreprises étrangères pour réaliser le programme du Président. Mais en plus qu'une telle décision est économiquement et techniquement contreproductive, on voit mal comment des entreprises étrangères, dont le seul objectif est la rentabilité, pourraient s'inscrire dans le schéma des prix administrés imposé aux entreprises nationales. Certes, les mêmes pouvoirs publics ont démontré qu'ils étaient capables d'adopter un traitement différencié selon qu'ils s'adressent aux entreprises nationales ou à des entreprises étrangères : il est de notoriété publique que les prix consentis aux entreprises chinoises dans le cadre de la construction des logements AADL sont très largement supérieurs à ceux dont ont bénéficié (pour exactement les mêmes prestations) les entreprises nationales. Mais même en tenant compte de cette réalité, très peu d'entreprises étrangères accepteront de se déplacer et de déplacer leurs moyens humains et matériels pour des projets de logements très peu rentables, compte tenu de la faiblesse de la monnaie algérienne. Même si les prix doublaient, par rapport à ceux pratiqués aujourd'hui, ils seraient insuffisants pour attirer les entreprises internationales les plus performantes (sauf bien sûr les chinoises qui bénéficient de l'extrême faiblesse de la valeur de leur monnaie nationale et probablement d'autres avantages non divulgués de la part de leur gouvernement). Ajoutons que le recours aux entreprises étrangères n'apporte au pays qu'un produit, c'est-à-dire les logements, mais pas la technologie pour en réaliser d'autres : il y a transfert de produit mais pas de technologie. Une fois les firmes étrangères parties, après avoir réalisé les projets qui leur auront été confiés, on s'apercevra bien vite de la supercherie : l'outil national de réalisation aura été totalement laminé et le pays se trouvera à la merci des firmes étrangères pour tous les problèmes liés à la construction. Le recours aux entreprises étrangères ne peut se concevoir que dans deux cas précis : le premier en tant qu'appoint à un outil national performant mais insuffisant pour faire face à un programme exceptionnellement important. Le deuxième dans le cas où le pays veut acquérir des technologies nouvelles de construction que ses entreprises ne maîtrisent pas encore (par exemple, l'acquisition de nouvelles techniques de production industrielle de bâtiments et logements apportant un plus certain en matière de gain de temps, de réduction des coûts et de conformité aux normes parasismiques). Dans ce deuxième cas, il sera d'ailleurs toujours préférable d'opter pour une solution de partenariat qui, seule, peut garantir un véritable transfert de technologie. Si donc les pouvoirs publics comptent sauvegarder, et pourquoi pas laisser se développer, l'outil national de réalisation, ils sont dans l'obligation d'accorder plus d'intérêt aux entreprises existantes, publiques ou privées, présentant un bon potentiel en matière de maîtrise des technologies du bâtiment. Le nécessaire coup de pouce aux entreprises nationales du secteur de la construction Quel que soit le bout par lequel est pris le problème, la réussite du programme présidentiel passe obligatoirement par la remise sur pied de l'outil national de réalisation, qu'il soit public ou privé. Concernant les entreprises publiques, celles-ci ne pourront redevenir efficaces qu'avec l'aide -spontanée ou suscitée- des banques publiques. Il est bien sûr aberrant d'exiger des banques de rejouer le rôle qui était le leur dans le passé et de redevenir les « vaches à lait » des entreprises publiques. Le pays n'est plus, au moins théoriquement, dans la situation d'une économie administrée dans laquelle toutes les entreprises, banques comprises, devaient obéir aux injonctions antiéconomiques des différentes tutelles. Il ne serait donc pas judicieux de demander aux banques de prendre en charge les tares encore présentes des EPE. Ce n'est nullement leur rôle. Par contre, elles pourraient être très fortement incitées par les pouvoirs publics à financer les EPE qui s'engagent fermement dans la réalisation du programme présidentiel. Les incitations gouvernementales (outre les mesures tendant à rééquilibrer les comptes des entreprises par la réévaluation de leurs actifs fonciers et immobiliers, l'effacement de la dette trésor et l'établissement d'un échéancier à long terme pour le règlement des dettes fiscales et parafiscales) peuvent consister en : • Une garantie gouvernementale des crédits destinés au renouvellement des investissements (de préférence à taux zéro ou au moins bonifié) ; avec engagement des banques à agir avec un maximum de célérité afin de rattraper une partie du temps déjà perdu. • En une instruction faite en direction des banques pour les inciter à ouvrir des lignes de crédits destinées : d'une part au payement anticipé des factures émises par les entreprises et reconnues par les clients, à hauteur minimale de 80%. d'autre part au financement de l'exploitation des opérations directement liées au programme de 1000 000 de logements (ligne de découvert), sur la base des marchés de travaux dûment visés. Et enfin à la présentation des cautions légales de soumission et bonne exécution pour tous les projets entrant dans le cadre du programme présidentiel. Il est évident que les mêmes facilités seront aussi accordées aux entreprises privées activant dans le secteur de la construction, à condition toutefois qu'elles fournissent la preuve qu'elles disposent de la technicité et de l'expertise nécessaires pour faire face à un programme important de réalisation de logements. Ce n'est qu'à ce prix que le programme quinquennal de réalisation de 1000 000 de logements, pierre angulaire de tout le programme présidentiel, pourra être réalisé dans sa presque totalité par les seuls moyens nationaux. (*) L'auteur est Consultant.