L'Etat refuse de s'investir dans la sauvegarde de ce patrimoine. La matière première, en l'occurrence le cuivre, est entre les mains de ceux que l'avenir du pays n'intéresse pas, trop attirés qu'ils sont par le gain rapide, et surtout facile. Tous les artisans rencontrés hier au salon national de la dinanderie, abrité par la salle omnisports (nouvelle ville Ali Mendjelià), étaient unanimes à dire que cet art ancestral, qui a longtemps fait la renommée de Constantine, est bel et bien en train de disparaître. Selon eux, rien n'a été fait pour sauver cet art, qui «pâtit d'un manque cruel de considération». Le premier problème est étroitement lié à la matière première, «hors de prix», à l'absence de locaux pour exercer, et au manque de main-d'œuvre; la relève n'est pas non plus assurée, «car aucun jeune n'a envie de croupir dans la misère toute sa vie ». Nous avons rencontré un importateur de feuilles de cuivre, qui explique, un peu vaguement, le problème en ces termes: «Je suis obligée d'importer la feuille de moindre qualité, basique, pour la revendre aux artisans, car aujourd'hui, nous ne pouvons nous permettre de viser la qualité, qui reviendrait trop chère, et de ce fait aurait du mal à s'écouler.» Un autre artisan avoue se trouver, à l'instar de presque tous les dinandiers, contraint de déménager d'atelier en atelier, à cause du loyer des locaux, « de plus en plus au-dessus de leurs moyens ». Même le prix du coke, combustible pour chauffer le cuivre et le rendre malléable, a pris des ailes, il est cédé à 8 000 DA le quintal, et se consume en une semaine. D'autres dinandiers, quinquagénaires, et plus, nous ont fait part de leur pessimisme quant à l'avenir du métier. L'un d'eux lancera ce cri du cœur : «Donnez-nous du cuivre, du bon, au moins du 8/10, et plus, et vous verrez de quoi nous sommes capables ; pour l'instant, nous servons de faire-valoir aux responsables, qui ne font appel à nous que pour montrer à leur hiérarchie que tout va bien, ils ne veulent pas voir la vérité en face: le métier se meurt, il n'y a pas de relève, pas de matière première, et pour avoir une carte d'artisan, il faut justifier d'un local, et le bail est hors de prix.» Ils rappelleront aussi qu'une aide de 200 000 DA leur avait été promise en 2007 par l'Etat, mais que jusque-là, rien n'a été fait. Fayçal et Smaïl, les seuls jeunes apprentis dinandiers, avouent être passionnés par le travail du cuivre, mais comme c'est la saison morte, ils sont contraints de vivoter en faisant d'autres petits métiers. Dans l'ensemble, tous les dinandiers présents au salon, disent exposer des produits syriens et quelques anciennes pièces constantinoises, qu'ils «ne revendraient pas, car personne ne serait en mesure de les acquérir au prix fort». Tous, sans exception, sont désabusés. Dans un dernier sursaut, ils disent avoir préparé une pétition à l'attention du ministre du Tourisme et de l'Artisanat, -venu pour inaugurer la manifestation-, dans laquelle ils font part, «une ultime fois, de toutes leurs préoccupations», et le prie de «sauver ce patrimoine réellement moribond ».