Le procureur de la République près le tribunal correctionnel d'Akbou a requis hier une peine d'emprisonnement de 2 à 5 ans à l'encontre de huit non-jeûneurs d'Ighzar Amokrane pour «atteinte aux préceptes de l'Islam». Le magistrat a refusé de suivre l'accusation et a ordonné, pour sa part, la relaxe. C'est le troisième procès du genre après ceux de Aïn El Hammam, dans la wilaya de Tizi Ouzou, et d'Oum El Bouaghi qui avaient mobilisé les organisations de défense des droits de l'homme et tous les militants de la défense des libertés individuelles et collectives au nom de la liberté de conscience consacrée par la Constitution. Les jeunes appréhendés pour les mêmes chefs d'accusation à Aïn El Hammam avaient été, eux aussi, tout bonnement acquittés par le tribunal qui avait reconnu qu'il n'y avait dans la loi organique et dans le code de procédure pénale aucune disposition légale incriminant la non-observation du jeûne. Ce verdict, qui avait été salué par divers milieux comme un acte courageux, un geste… de bonne foi de la justice qui avait refusé de céder aux milieux inquisiteurs qui rêvaient d'un châtiment exemplaire, a, sans nul doute, beaucoup aidé le magistrat qui a jugé l'affaire d'hier à rendre son verdict dans le calme et la sérénité. Entre ces deux affaires qui avaient bénéficié de la relaxe, le glaive de la justice s'était lourdement abattu sur le groupe de non-jeûneurs d'Oum El Bouaghi condamnés à 5 ans de prison ferme. Suite aux remous qu'avait suscité cette décision de la justice, à l'intérieur et à l'extérieur du pays, le juge avait été amené à réagir à travers les médias pour préciser que les condamnations avaient été requises pour le chef d'inculpation de dégradation de biens publics et non pas pour le motif religieux. Une précision qui n'avait pas convaincu beaucoup de monde. Le procès d'hier se voulait donc, à l'évidence, celui de la clarification pour trancher définitivement ce débat. Lequel débat ne s'est jamais posé, en vérité, à la société algérienne qui a toujours fait preuve de tolérance et fait appel à la libre conscience de chacun, au sens civique beaucoup plus qu'aux sentiments religieux des citoyens dans leur relation à la spiritualité. Aussi, de la même façon que les pratiquants n'ont pas le droit de s'ériger en conscience religieuse du peuple, ceux qui n'observeraient pas le jeûne doivent également, de leur côté, éviter les comportements en public qui risqueraient de choquer certains esprits. C'est le message qu'il faudra retenir du verdict d'hier qui s'impose à tous, citoyen, justice, mais aussi aux forces de l'ordre. Investis dans ces affaires d'une mission (anti-constitutionnelle) de police religieuse, les forces de sécurité doivent faire preuve, dans l'accomplissement de leur mission de sauvegarde de l'ordre public, de plus de discernement entre ce qui relève de la loi, et rien que la loi, et ce qui s'apparente clairement à un coup de force à la fois politique, judiciaire et religieux. Un piège qui a fort heureusement avorté dans l'intérêt de l'Islam séculaire, tolérant et fraternel, tel qu'il a été toujours pratiqué en Algérie.