Abdelwahid Bouabdallah, président-directeur général d'Air Algérie, s'est livré, hier matin sur les ondes de la Chaîne III de la Radio algérienne, à une véritable attaque contre le quotidien El Watan après la publication d'informations sur le non-respect des normes de sécurité par la compagnie nationale. «C'est la presse algérienne qui a rapporté que nous étions mis sur une liste noire. Dans les papiers du président du comité de sécurité aérienne européenne, il y avait des articles de journaux, surtout El Watan, qui nous a causé beaucoup de tort», a-t-il déclaré. D'après lui, El Watan serait coupable d'avoir donné la parole à «un pseudo» président d'une association des techniciens de la maintenance. «Une association qui n'existe pas», a-t-il tranché. «El Watan va rembourser» Début septembre 2010, El Watan a publié des déclarations de Lemnouar Azzoug, président de l'Association nationale des techniciens de la maintenance d'avions (ANTA), qui a alerté sur «la situation alarmante» du service maintenance à Air Algérie. Lemnouar Azzoug a également dénoncé le recours «excessif» à l'affrètement et s'est interrogé s'il n'était pas utile de l'éviter «en pourvoyant l'exploitation d'avions fiables et en état de navigabilité, dont dispose Air Algérie». Ces propos continuent visiblement à irriter le patron d'Air Algérie qui, après avoir publié des démentis sous forme de publicité payée par la compagnie publique, est revenu à la charge en qualifiant, sans citer le nom, Lemnouar Azzoug d'«aventurier». D'après ses dires, Air Algérie n'a pas eu cette année les meilleurs tarifs pour l'affrètement des avions en raison des déclarations du président de l'ANTA. «Cela nous a coûté 340 millions de dinars de pertes. Je crois que la justice nous donnera raison et El Watan va nous les rembourser», a déclaré Abdelwahid Bouabdallah sans préciser l'origine réelle de la perte. Cela n'est-il pas lié à une mauvaise négociation ? Par contre, l'affrètement pour l'opération hadj 2010 est, d'après lui, bénéficiaire. «Cela dit, la Bourse des avions est volatile. Si l'on ne prend pas les bons avions au bon moment, on n'aura pas les meilleurs prix. L'affrètement peut varier de 2500 à 4500 dollars l'heure et selon le type d'avion», a-t-il argué. Lemnouar Azzoug avait eu cette interrogation : «On se demande comment, avec une flotte vieillissante, le pavillon national avait fonctionné sans affrètement jusqu'à cette dernière décennie, au moment où notre pays bénéficie d'une aisance financière qui lui permet d'acquérir la flotte adéquate.» Le PDG d'Air Algérie a annoncé qu'un plan doté de 400 millions d'euros sera lancé en 2011 pour renouveler la flotte avec l'achat de gros porteurs et d'avions sanitaires. Deux appareils ont été réceptionnés. Un troisième avion, un Boeing 737-800, arrivera à Alger demain samedi. «Il reste encore quatre avions que nous allons recevoir au cours du premier semestre 2011, le dernier sera là entre juin et juillet», a-t-il indiqué. Il a démenti les informations relatives à la sécurité des avions d'Air Algérie après avoir été auditionné mercredi à Bruxelles par des responsables européens de la sécurité aérienne. «Nous n'avons jamais été sur la liste noire européenne et nous ne le serons jamais. Il n'y avait aucun problème de navigabilité. A Bruxelles, nous avons présenté un plan correctif pour toutes les mesures liées à la sécurité aérienne. Le message a été bien reçu. La preuve : il n'y a même pas eu de débats», a-t-il déclaré. Il a reconnu que la compagnie a eu dernièrement un problème sur l'étiquetage des matières dangereuses, mais il n'a pas expliqué pourquoi un plan «correctif» a été lancé. Etalé sur une année, ce plan concerne plusieurs opérations : les services au sol, le traitement des cabines, des moteurs et des trains d'atterrissage des avions, etc. S'agit-il d'un ordre de Bruxelles ? Le patron d'Air Algérie a bel et bien dit que la Commission européenne a soumis le pavillon national à un régime de surveillance. «Le retard est un péché» «Nous y sommes soumis, comme toutes les compagnies qui empruntent les ciels européens», a-t-il dit comme pour tenter de réduire de la portée d'une telle mesure. L'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) a interpellé récemment la compagnie algérienne sur des «irrégularités» de navigabilité et d'exploitation des appareils et sur les licences des pilotes non écrites en anglais. Le contrôle européen est, pour le responsable d'Air Algérie, normal. «A notre demande, nous avons reçu la visite de trois inspecteurs européens qui ont vérifié tous les métiers d'Air Algérie et contrôlé nos avions. Je pense qu'il n'y avait aucun écart. Il faut être vigilant et continuer sur cet effort», a-t-il indiqué. «un ordinateur central» Il a démenti la venue, demain à Alger, d'experts de l'EASA. «Première nouvelle», a-t-il dit. Désormais, l'EASA exige de la compagnie algérienne des rapports mensuels d'inspection. Selon Abdelwahid Bouabdallah, les salariés de la compagnie ont intégré la «culture» de la sécurité. Est-ce à dire que cette «culture» n'existait pas auparavant ? Il a également annoncé qu'une enveloppe de 165 millions de dollars sera dégagée pour investir dans les cabines des avions, les pièces de rechange, l'entretien en ligne et la formation. Il a reconnu qu'Air Algérie est «la seule compagnie au monde» à avoir encore «un ordinateur central» pour toutes ses opérations, alors qu'elle devrait avoir plusieurs serveurs pour «sécuriser» les informations et les traitements qu'elle opère. En attendant «la migration» informatique, ce simple «détail» fait d'Air Algérie une compagnie vulnérable. Interrogé sur les célèbres retards des vols d'Air Algérie, Abdelwahid Bouabdallah a eu une réplique poétique : «Ce n'est pas une fatalité pour nous. Le retard est quelque chose de péché, il faut le combattre.» Cela fait presque deux ans que le patron d'Air Algérie, qui continue à avoir le monopole sur les vols domestiques, répète la même chose… et les passagers à souffrir chaque jour davantage dans les aéroports.