La crise perdure faute de prise en charge efficiente. Avant de penser aux sanctions, l'Etat ne devrait-il pas d'abord être à l'écoute des boulangers ? Les difficultés rencontrées par les boulangers sont innombrables, à commencer par la main-d'œuvre, de plus en plus difficile à trouver, déclarent ceux que nous avons approchés. «Les jeunes ne sont pas du tout empressés d'exercer un métier qui n'est pas de tout repos, et qui n'enrichit pas, loin s'en faut ; on fait aussi face à la concurrence déloyale des vendeurs informels, approvisionnés par des fabricants de pain clandestins, aux charges et impôts trop lourds, avec le prix de la baguette (7,50 DA), dérisoire par rapport à la main-d'œuvre, l'énergie et la matière première», se plaint l'un des boulangers de la rue Belouizdad. Les mesures prises par le ministère du Commerce pour assurer une éventuelle permanence durant les jours fériés sont également jugées «aberrantes» par ces mêmes boulangers. Nous saurons auprès de ces derniers, ayant pour la plupart pignon sur rue au boulevard Belouizdad, que des agents de la direction du commerce sont passés les voir avant l'Aïd afin de leur faire part des directives ministérielles dans ce sens, en évoquant les sanctions encourues en cas de refus, à savoir la fermeture du commerce ou le retrait pur et simple du registre de commerce. Ce qui n'a pas manqué de susciter l'indignation de ces commerçants, dont l'un d'eux dira: «Mes ouvriers doivent rentrer chez eux pour célébrer l'Aïd en famille, car ils résident dans une autre wilaya ; ce ne sont pas des esclaves, comment les obliger à faire des heures supplémentaires, sachant qu'ils sont déjà très mal payés ?» Et d'ajouter : «Je veux bien me débrouiller pour rendre service aux gens, mais je sais que je ne vendrai pas le quart de ma fournée, qui me paiera le reste ?» De leur côté, les citoyens, -en dépit de cette mesure en leur faveur,- ont passé toute la matinée du lundi à faire la chaîne afin de s'approvisionner comme pour parer à un imminent état de siège, et ce n'est pas peu dire ; nous avons constaté sur place que tous prennent entre 15 et 20 baguettes par famille, épuisant très vite les fournées prévues pour toute une journée. «Je n'ai pas confiance, je préfère avoir du pain dans mon congélateur plutôt que de galérer en pleine fête», fait remarquer un client, qui ne s'est pas empêché de rafler 18 baguettes. Entre-temps, le pain continue à se vendre en quantité industrielle sur les trottoirs, et personne ne s'en offusque. Où en sont alors ces fameuses mesures de l'Etat face à cette réalité bien ancrée dans les mœurs?