Il y avait plus de têtes de mouton que de sachets de lait à travers le pays en cette fête de l'Aïd El Adha 2010. Face à la pénurie persistante de cette matière hautement nutritive, les citoyens algériens ont donc tenté de compenser cette carence en consommant de la viande rouge. Au-delà du respect du rite religieux et des traditions culinaires, une contradiction marque quand même la célébration de cette fête. Un Etat qui jouit d'importantes réserves en devises est apparemment plus enclin à festoyer une journée en favorisant la mise sur le marché de milliers de moutons qu'à faire un effort pour procurer aux familles des rations de lait. Une telle situation doit interpeller, une fois de plus, les autorités car il s'agit là d'un problème de santé publique. La croissance de millions d'enfants algériens dépend de la disponibilité du lait, pour le moment. Pour ce qui est de sa qualité, c'est un débat qui incombe aux médecins et aux nutritionnistes. Il est du rôle de l'Etat, en tant que puissance publique, d'intervenir pour mettre un terme à cette pénurie et non se contenter de déclarations qui accusent les opérateurs ou le marché mondial. Il est impensable que des produits alimentaires superflus – et souvent nocifs pour la santé – inondent les commerces alors que les images des files d'attente devant les souks el fellah, dans les années 1980, reviennent aujourd'hui dans les quartiers, villes et villages du pays. L'écrivain britannique Oscar Wilde écrivait : «Qu'est-ce que le cynisme ? C'est connaître le prix de tout et la valeur de rien.» De nos jours, il semble bien qu'on a tendance à ne pas vraiment calculer les incidences de cette situation de pénurie. Dans les pays développés, préserver la santé publique est la mission numéro 1 de l'Etat.