Crise du lait, diktat des boulangers et absence de l'Etat Le retour des pénuries inquiète les Algériens Par : Farid Belgacem, Liberté, 15 novembre 2010 La crise du lait qui semble perdurer, la fermeture des boulangeries pendant l'Aïd, sans respect de la réglementation, et l'augmentation vertigineuse des prix des produits de large consommation constituent les éléments d'une situation sociale fragile. Samedi soir, des camions frigorifiques alimentaient en masse les commerces en lait. Certains livreurs ont détourné des quantités énormes de ce produit pour les vendre à même le trottoir, comme ce fut le cas sur la voie rapide de Triolet, à Alger. Le sachet a été vendu à… 40 DA ! Les commerçants s'érigent en faiseurs de loi et défient l'Etat, à commencer par les tutelles chargées de la régulation du marché, à chaque circonstance, comme les fêtes religieuses et autres jours fériés, pour faire chanter les consommateurs. Les Algériens, lassés d'une situation désastreuse de la gestion du commerce, prennent leur mal en patience et cèdent devant la supercherie des grossistes et des détaillants, devenus, fort malheureusement, maîtres de la situation. Par la force des choses, ces derniers pourrissent l'état des lieux et profitent de la cacophonie qui règne dans les services de contrôle pour spéculer sur les produits de première nécessité, au grand dam des bourses déjà fragilisées par le pouvoir d'achat et l'inflation. Le cas du sachet de lait illustre bien ce constat. Vendu, samedi soir, à 40 DA le sachet — 30 DA si vous êtes du quartier — le sachet de lait est devenu sujet de prédilection et de… débat ! Mieux, samedi soir, des distributeurs faisaient circuler la rumeur selon laquelle les producteurs compteraient faire un “pont” jusqu'à dimanche prochain. Autrement dit, le consommateur devra se rabattre sur le lait en poudre au prix fort de 480 et 520 DA le kilo, l'équivalent de 8 sachets de lait. Bien évidemment, les commerces ne seront pas approvisionnés pendant six longs jours, et à l'Etat de faire valoir son autorité pour la pérennité du service public. Advienne que pourra, les commerçants ont déjà planté le décor de la fête de l'Aïd el-Adha, un décor fait de désertion des lieux, de fermeture des locaux, de congés prolongés, d'abandon de poste au sommet des instruments de contrôle, et passons ! Pourtant, il y a quatre jours seulement, le ministère du Commerce a sommé les boulangers d'ouvrir boutique pendant cette fête religieuse, non sans les menacer de fermeture dans le cas contraire. Comme si les besoins des Algériens se limitent à la baguette de pain alors que la moralité voudrait que la même tutelle applique les termes des cahiers des charges et les clauses inscrites dans le registre du commerce. À 40 DA le sachet de lait, entre 65 et 80 DA le kilo de pomme de terre, 150 DA la tomate (en fin de vie), 130 DA la salade, 240 DA le piment, pour ne citer que ces produits, les ministères du Commerce et de l'Agriculture sont plus que jamais interpellés pour faire régner l'ordre, à défaut de ne pas flouer le consommateur qui se fie souvent aux décisions et autres mesures, comme celles prises pour une meilleure distribution du lait et le respect des prix des légumes et fruits. Hier, près de la moitié des boulangeries ont baissé rideau. Idem pour les restaurants, les fast-foods et les cafétérias qui ont déjà fermé 48 heures avant l'Aïd. Un rituel ancré chez les commerçants qui plantent leur décor au grand jour. Quant au service public — le service rendu au citoyen contribuable — l'Etat pourrait tout dire, sauf que le consommateur est bien servi par quelques images… du journal télévisé. à propos de la crise du lait Rachid Benaïssa pointe du doigt les transformateurs Par : Chaâbane Bouarissa, Liberté, 15 novembre 2010 Le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, a insisté hier, lors de sa visite de travail dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, sur la détermination de son département de mettre fin aux perturbations, ces derniers jours, dans la distribution de lait, tout en refusant de parler de pénurie. “La production nationale de lait cru a augmenté. Nous n'avons pas interdit l'importation du lait en poudre et la quantité du lait en poudre importé par l'Onil a augmenté aussi”, dira le ministre. Et d'expliquer : “Le prix du lait en poudre au niveau international a augmenté et c'est pour cette raison que les laiteries qui avaient l'habitude d'importer la poudre ne l'ont pas fait.” Les coupables, pour lui, sont donc les transformateurs qui utilisent la poudre subventionnée pour fabriquer d'autres produits que le sachet de lait. Allusion aux dérivés qui sont disponibles et vendus plus chers. “Certes, il y a des difficultés conjoncturelles. Il y a des perturbations qu'il faut régler sans oublier l'essentiel. Si on va trop à la facilité, on va tuer tous les élevages”, ajoute Rachid Benaïssa. Pour ce dernier, en effet, la réorganisation de la filière lait est nécessaire mais complexe et demande la mise en vigueur d'un plan. En effet, à travers la mise en place de ce nouveau dispositif, les pouvoirs publics visent surtout à assurer par la production nationale pas moins de 75% du besoin exprimé. S'agissant des mesures prévues dans le cadre du nouveau dispositif, il est question d'emblée, de la densification du réseau de collecte. “On donne 12 DA pour chaque éleveur, 5 DA pour le collecteur et 4 DA pour la laiterie”, a tenu à expliquer le ministre, tout en ajoutant qu'il vient de proposer aux laiteries 7,5 DA/l comme prime d'intégration si elles produisent uniquement le lait. Afin de maintenir le prix du lait à hauteur de 25 dinars et la quantité de 1,2 milliard de litres par an, ce nouveau dispositif, qui est prévu pour janvier 2011, prévoit de subventionner le prix de la poudre de lait au profit des unités publiques assurant la fabrication d'au moins 50% du lait pasteurisé. En attendant la concrétisation de toutes ces idées pour réorganiser la filière lait, le citoyen est toujours à la recherche de son sachet de lait.