Les huit personnalités politiques tunisiennes, en grève de la faim depuis le 18 octobre dernier, subissent des pressions énormes de la part des autorités surtout à l'approche du Sommet mondial de la science et de l'information (SMSI), prévu du 16 au 18 novembre. Jeudi dernier, le propriétaire du local où se déroule la grève de la faim a envoyé une mise en garde à son locataire, Me Ayachi Hammami, lui aussi gréviste, afin que le lieu ne soit plus utilisé à d'autres « fins » que celles prévues dans le contrat de location, à savoir un cabinet pour « études d'avocat ». Un huissier de justice s'est présenté, la matinée, au cabinet de Me Hammami pour lui signifier « la mise en garde ». Un ultimatum de 24 heures lui a été donné, faute de quoi le propriétaire aura recours à la justice. Le lendemain (vendredi), les grévistes se trouvent toujours dans le même local. Joint par téléphone, Rachid Kechana, porte-parole du comité de soutien aux grévistes et également rédacteur en chef d'El Mawqif (journal de l'opposition tunisienne), estime que ce sont là « des pratiques courantes » du régime de Ben Ali, qui cherche le moyen de « casser » ce mouvement revendicatif de la liberté d'expression, d'opinion, mais aussi la libération de tous les détenus politiques, dont le nombre dépasse 400 prisonniers. M. Kechana a indiqué que l'état de santé des grévistes s'est encore détériorée. « Leur état de santé se dégrade de jour en jour. Le juge Mokhtar Yahyaoui, président du Centre de Tunis pour l'indépendance de la justice et du barreau (CIJT), maître Mohammed Nouri, président de l'Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP) et Lotfi Hajji, président du Syndicat des journalistes tunisiens (SJT) sont dans un état très critique. Leur baisse de tension est inquiétante », a-t-il souligné. Des actions de soutien de la société civile aux grévistes sont prévues durant la semaine en cours. Aussi le Forum social d'Algérie a lancé, jeudi, une pétition de soutien aux protestataires. Il estime que le combat des grévistes est juste. Car « ils se battent pour que triomphe les libertés en Tunisie, et ce, au péril de leur intégrité physique et de leur vie et luttent aussi pour toutes les libertés bafouées au Maghreb, notamment en Algérie, où Mohamed Benchicou, figure emblématique du combat pour la liberté de la presse, continue à purger l'injuste peine qui lui fut infligée pour ses positions politiques », souligne-t-il. Les Etats-Unis suivent de près ce mouvement de grève et se déclarent « préoccupés » par la situation des droits de l'homme dans le pays. « Nous pensons que la Tunisie a fait des progrès considérables dans le domaine des réformes économiques et sociales », a déclaré, jeudi, Adam Ereli, le porte-parole du département d'Etat. « Nous attendons qu'elle en fasse autant dans le domaine des réformes politiques et du respect des droits de l'homme », a-t-il ajouté. Les Etats-Unis se disent « préoccupés » surtout par le fait que des militants de premier plan de la société civile considèrent ce genre d'actions comme le seul moyen d'expression possible dans ce pays. Le porte-parole du département d'Etat appelle ainsi le gouvernement tunisien à « démontrer clairement et sans ambiguïté, sans laisser de doute à personne, son engagement envers la liberté de la presse, envers la liberté d'expression ». Il l'invite à « répondre aux questions soulevées par les grévistes de la faim » à l'occasion du SMSI auquel le pays de l'Oncle Sam est convié.