La Tunisie tient à ce que le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI), qu'elle abritera à partir de la semaine prochaine, se déroule bien. Entendre par là sans la moindre contestation qui viendrait aussi bien des Tunisiens et ONG (organisations non gouvernementales) opposés à la participation d'Israël et qui envisagent un cadre alternatif. Déjà, une grève de protestation contre la participation d'officiels israéliens au Sommet a été observée jeudi par les enseignants tunisiens, a-t-on indiqué de sources concordantes. « Notre mouvement visait à dénoncer l'invitation lancée aux représentants de l'Etat sioniste et exprimer notre refus de toute normalisation des rapports avant l'aboutissement de la cause palestinienne », a indiqué Faraj Chabbah, chargé de l'information au syndicat général de l'enseignement secondaire. Un millier de personnes ont participé à un rassemblement devant le siège de l'UGTT à Tunis. L'annonce d'une invitation au SMSI, du 16 au 18 novembre, du Premier ministre israélien Ariel Sharon, en février, avait suscité un mouvement de protestation de l'opposition. Un avocat militant des droits de l'homme, Mohamed Abbou, a été condamné en avril dernier à trois ans et demi de prison pour avoir publié sur Internet un texte hostile à une présence de M. Sharon. La Tunisie et Israël, qui n'entretiennent pas de relations diplomatiques, avaient ouvert en 1994 des « bureaux d'intérêt ». Israël sera représenté au SMSI par les ministres des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, et des Communications, Dalia Itzhik. Ce pays maghrébin se montre aussi attentif aux critiques en ce qui concerne le respect des droits de l'homme. Et le signal en ce sens est venu du Département d'Etat américain qui s'est déclaré préoccupé. La critique n'est pas forte de l'avis d'ONG tunisiennes qui avaient déploré ce qui apparaît comme un soutien au président tunisien Ben Ali. Il en va de même des propos du chef de l'Etat français qui avait donné, quant à lui en décembre dernier, une autre approche des droits de l'homme. Autre soutien disait-on alors au président Ben Ali. Mais hier, la Tunisie semblait assouplir sa position à l'approche du SMSI. Jouer l'apaisement comme cela a été commenté. Il s'agit de la gestion du dossier de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) et de son congrès qu'elle était empêchée de tenir. Et en la matière, c'était un coup de théâtre. Effectivement, un tribunal de Tunis a enregistré hier le retrait d'une plainte de cette organisation, proche du pouvoir, contre la direction de cette association qui avait ainsi été empêchée de tenir son congrès, a indiqué le président de la LTDH. Prévu initialement le 26 novembre, le procès de la LTDH, tenu hier, avait été intenté par sept militants contre l'actuelle direction accusée « d'abus et de violations du règlement intérieur ». Qualifiant le retrait de la plainte de « bonne décision », le président de la LTDH, Mokhtar Trifi, a espéré « qu'elle augure d'un retour à la normale ». Les dirigeants de la LTDH considéraient que le dépôt d'une plainte par sept membres de la LTDH contre le comité directeur était une manipulation du pouvoir pour contrôler l'organisation de défense des droits de l'homme, doyenne en Afrique et dans le monde arabe. Le procès avait empêché l'organisation en septembre du congrès annuel de la Ligue. Inévitablement, cette décision est considérée, selon des sources diplomatiques, comme une mesure d'apaisement puisqu'elle intervient à quelques jours de l'ouverture à Tunis du Sommet en question, et aussi à la suite de forcing d'ONG qui refusaient, par ailleurs, que cette réunion soit un sommet de et pour la Tunisie. A ce titre, l'organisation du sommet en Tunisie a suscité des critiques de la part de certaines associations, comme Reporters sans frontières (RSF) qui accusent Tunis de bafouer la liberté de l'information. Fin septembre, l'Union européenne, les Etats-Unis et une dizaine de pays occidentaux ont demandé à Tunis de garantir la liberté d'expression durant le sommet, ce qui, dans le contexte de telles manifestations, ne veut absolument rien dire, puisque la liberté y est de fait avec la diversité d'opinions et d'écrits enregistrés. Plus spécialement, c'est l'après-sommet qui est important, car l'ouverture escomptée peut être de courte durée. Le rapporteur spécial de l'Onu pour la liberté d'expression, Ambeyi Ligabo, a invité le pays à libérer les détenus d'opinion. Alors que huit opposants tunisiens observent une grève de la faim, le président Zine El Abidine Ben Ali leur a reproché un « manque de patriotisme » à l'approche du SMSI. Cette politique d'apaisement permettra à la LTDH de tenir son congrès. Mais cela est-il une fin en soi, se demande-t-on d'ores et déjà ?