L'état de santé des huit personnalités politiques tunisiennes, en grève de la faim illimitée depuis le 18 octobre, se détériore de jour en jour. Joint, hier, au téléphone, Rachid Kechana, président du comité d'information sur les grévistes, a affirmé qu'ils sont dans un état critique. « Leur santé ne cesse de se dégrader. Actuellement, rien de grave à signaler. Mais ils se sentent de plus en plus fatigués et affaiblis. Ils ont fait des analyses ce matin (hier, ndlr). Nous n'avons pas encore eu leurs résultats », nous a-t-il confié. Déjà, le 1er novembre, comme cela a été rapporté par Le Monde dans son édition du lendemain, un des grévistes, à savoir Mokhtar Yahiaoui, 53 ans, aurait été évacué vers une clinique privée après qu'il se soit évanoui. Aussi, maîtres Abderraouf Ayadi, 55 ans, et Mohamed Nouri, 66 ans, auraient été hospitalisés le même jour avant qu'ils quittent l'hôpital, refusant d'interrompre leur mouvement de grève. Mohamed Nouri est le plus âgé des grévistes. Le plus jeune a 39 ans. Ils sont animés par une seule détermination, celle d'aller jusqu'au bout de leurs revendications. Revendications qui sont celles de tout le peuple tunisien bâillonné et vivant sous un Pouvoir tyrannique. Les grévistes, qui étaient au départ sept avant d'être rejoints par un ancien détenu politique, en l'occurrence Samir Dillou, protestent contre le harcèlement, l'intimidation, la privation des droits civiques et la répression de tout esprit libre. Ils réclament la liberté d'expression, d'information, d'association, mais aussi la libération de tous les détenus politiques quelle que soit leur appartenance idéologique. Le président Ben Ali, qui est à la tête du pays depuis 1987, « ignore » les revendications des grévistes tout en gardant un œil sur leur mouvement. Ainsi, des policiers sont depuis le déclenchement de la grève en poste, à une vingtaine de mètres de l'immeuble où se déroule la grève de la faim. « Ils sont là 24h sur 24h. Ils observent ceux qui viennent et qui sortent de l'immeuble. Mais l'accès demeure, à l'heure actuelle, libre », témoigne M. Kechana, aussi rédacteur en chef d'El Mawqif, le seul journal de l'opposition qui paraît. Il atteste la naissance d'un « formidable » élan de solidarité aussi bien au niveau national qu'international. Il parle de nombreuses visites de personnalités politiques et de la société civile en général, faites ces derniers jours aux grévistes. Entre autres, des représentants d'associations, d'ONG et de partis politiques de l'opposition tunisienne qui se sont rendus sur le lieu de la grève afin de s'enquérir de la situation des grévistes, qui sont à leur 20e jour de grève. L'ex-ministre, l'avocat Mohammed Charfi s'est, lui aussi, déplacé sur les lieux. Des diplomates d'ambassades européennes à Tunis également. En revanche, aucun diplomate arabe ne leur a rendu visite. Une délégation du FFS, conduite par Ahmed Batatache, secrétaire national chargé des droits de l'homme, s'est rendue vendredi dernier sur place pour manifester son soutien aux revendications des protestataires. Dérangées et irritées par ce mouvement de protestation inédit, les autorités tunisiennes ont coupé, depuis deux jours, les lignes téléphoniques des grévistes, de leurs proches et de l'ensemble de leur entourage. M. Kechana précise, en outre, qu'il y a seulement deux grévistes qui peuvent utiliser leurs cellulaires uniquement à l'intérieur du pays. Ceux-ci sont abonnés à un opérateur privé. M. Kechana note cependant un fait positif. « Le journal arabophone privé Assabah a publié un petit article d'un seul paragraphe sur la conférence de presse des grévistes tout en notant la position officielle par rapport à cette action. C'est pour la première fois qu'on écrit sur cette grève », fait-il remarquer. Les huit personnalités ont décidé de présenter cette action à l'occasion du prochain sommet mondial des sciences de l'information, qui se déroulera à Tunis les 16 et 17 novembre.