Le projet de loi relatif à la production cinématographique a suscité un large débat à l'APN et des appréhentions chez les professionnels . Ainsi, d'emblée l'article 5 de ce projet de loi stipule que la production des films relatifs à la guerre de Libération nationale et à ses symboles est soumise à l'approbation préalable du gouvernement. L'article 17 porte sur la création auprès du ministère chargé de la Culture, d'une commission de visionnage de films. L'article 6 est relatif aux activités de production, d'édition, de reproduction et de distribution de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public et soumis à une autorisation préalable. La vente, la location et la distribution des vidéogrammes sont soumis à l'obtention d'un visa préalable. Et si l'on contrevient à l'article 4 –l'autorisation préalable délivrée par le ministère chargé de la Culture quant à la production cinématographique, la distribution, l'exploitation, la diffusion et le tournage – on est passible d'une amende allant de 500 000 DA à 1 million de dinars. L'exploitation de tout film n'ayant pas obtenu de visa dans ce sens est punie d'une amende de 200 000 à 400 000 DA. «Je le dis et le redis, c'est une loi irrecevable. Un article de censure. Cela n'est pas dans l'intérêt. C'est une cécité politique. On ne fait pas ce genre de choses en 2010. C'est un retard catastrophique pour l'Algérie ! Et par principe, lorsqu'on touche à la liberté d'expression. C'est quelque chose qui risque d'être mortel pour la créativité et ce, pour légitimer et renforcer une action politique…Un envahissement pour museler et verrouiller… Il y a un espace d'envahissement du champ de la créativité pour des visées politiques», a commenté le réalisateur et producteur Belkacem Hadjaj (El Manara et Essaha). Ahmed Bedjaoui, le Monsieur cinéma conseiller-consultant auprès du ministère de la Culture, indique : «Le problème crucial demeure celui des salles de cinéma fermées. Le ministère veut qu'elles soient refaites, rouvertes et rétrocédées à des professionnels privés nationaux et notamment mixtes, avec un cahier des charges. Il s'agit de réhabilitation des salles de cinéma. L'idée est de créer une dynamique pour que le cinéma existe… Contrairement à ce que l'on croit, il n'y a plus de visa de censure. Visionnage ne veut pas dire censure. Cela est aboli. Je ne vois pas de menace sur les libertés de circulation des films. C'est juste un simple garde-fou. Il y a une flexibilité de la commission. A ma connaissance, je ne crois pas qu'il y ait eu des refus sauf, bien sûr, les films pornos ou encore tendancieux. Le film Délice Paloma de Nadir Moknèche a été distribué en Algérie. Par exemple, Des Hommes et des dieux de Xavier Beauvois, je ne dis pas qu'il ne faut pas le distribuer, mais il mérite d'être visionné. La Bataille d'Alger n'a-t-il pas été censuré en France ? Le cinéma était régi par un vide juridique depuis l'ordonnance datant de 1968. Tout cela est obsolète. Il fallait un arsenal juridique pour l'exercice de la profession. Un cadre légal de par des ambitions futures où le privé aura sa place.» Le distributeur Cirta Films réagit au projet de loi sur le cinéma : «Il n'y a aucune différence entre la Corée du Nord et l'Algérie. On est tellement en retard. C'est une régression intolérable. Au lieu de donner un peu de liberté, un nouveau souffle, on va vers le verrouillage…Le visa d'exploitation n'interdit pas les films, mais il s'agit de classification. C'est l'administration qui a tué le cinéma. On déterre un cadavre pour mieux l'incinérer…»