Bien sûr que le rapport final est fin prêt, mais lequel ? Celui de la réhabilitation de La Casbah ou celui de la disparition de la carte géographique de la ville d'Alger. J'ai pris connaissance de votre article «Le document final élaboré vient d'être ficelé. Avant d'être soumis, pour approbation, au conseil de gouvernement, ce plan sera également soumis au débat au niveau de l'APW». Combien de plans ont suivi le même chemin sans trouver d'issues ? Depuis plusieurs années, La Casbah n'a pas pu attendre pour se dégrader et se détruire. L'abandon des hommes et l'usure du temps n'ont pas eu le même parcours que votre plan. La fondation Casbah a, depuis plus de quinze années, rencontré tous les hauts responsables, visité toutes les administrations, participé à plusieurs réunions, débats, etc., mais à l'époque, La Casbah était malade mais pas encore morte. La Casbah, c'était 1700 bâtisses, puis 1200, puis 1000, puis 800, puis 500, dont la plupart menacent ruine. Tous les problèmes posés par cette Casbah ont trouvé une solution. Vous parlez de propriétaires privés, d'héritiers, etc. Une association a été spécialement créée pour gérer ce problème, une loi a été votée et promulguée pour ce genre d'entraves. C'est la loi 98-04 du 15 juin 1998, il ne reste plus qu'à l'appliquer dans tous les cas de figures. Vous parlez des placettes, c'est-à-dire des espaces vides récupérés suite à l'effondrement de certaines maisons. Je ne suis ni architecte, ni ingénieur, ni idéologue, mais la théorie des dominos ne pardonne pas dans ce cas de figure. Nous n'avons pas le choix, c'est la reconstitution à l'identique dans certains quartiers qu'il faut impérativement retenir comme option. Il ne faut surtout pas lésiner sur les moyens, car il ne s'agit pas de logements OPGI, sociaux, AADL ou autres, mais de l'histoire de notre pays et d'un patrimoine universel, faut-il le rappeler. Une nation qui n'a pas d'histoire et pas de mémoire, n'a pas d'avenir. On en prend conscience aujourd'hui, je peux et je suis à l'aise pour le dire, qu'il est peut-être trop tard. Le malade qu'il fallait soigner vient de mourir. Trop d'encre a coulé sur La Casbah, on a trop parlé ou pas assez, dans la presse écrite et dans les revues, dans les cafés et les rencontres, dans les forums et les ministères, aujourd'hui, la question est d'actualité : faut-il sauver La Casbah et comment, ou faut-il prendre la responsabilité de l'irréparable et laisser disparaître ce qui reste ? La Casbah n'est pas une réserve d'Indiens, et encore moins un ghetto, mais avec le temps, l'administration est arrivée à en faire un centre de transit, un centre de mal-logés et de laissés-pour-compte. Tel est le résultat auquel nous avons abouti par une gestion catastrophique de ce site historique. La Casbah a été divisée en plusieurs îlots, et la réhabilitation a commencé par l'îlot supérieur, Sidi Ramdane, avec le transfert de 489 familles. Malheureusement, cet élan a été stoppé par un wali d'Alger en bloquant tant d'années d'efforts et de réflexion. Vous faites des promesses, mais cette politique de La Casbah a assez duré, cela fait plus de 30 ans que vous nous nourrissez de promesses. Mais le résultat est là, il n'y a plus de Casbah, nous sommes à l'aise, nous détenons toutes les réflexions, les propositions et les solutions qui ont été présentées aux autorités pour sa réhabilitation. Vous assumez l'entière responsabilité de la disparition de La Casbah. J'accuse ceux qui ont eu la charge de préserver ce patrimoine de sabotage, de destruction du patrimoine national et universel. J'invite tous ceux qui ne sont pas d'accord avec moi, j'invite les journalistes, les fonctionnaires, les hommes de culture à une visite sur le site, à un pèlerinage dans ce lieu historique devenu un monstre, une ville bombardée où les ruines donnent froid dans le dos. A. M.
Ali Mebtouche. Président d'honneur Fondation Casbah