Dans l'édition de jeudi dernier, un titre sentencieux autour de la restauration de La Casbah paru dans la page débat d'El Watan a donné froid dans le dos. Un pavé jeté dans la mare d'une cité dépavée. Le ton étant plus qu'alarmiste et beaucoup d'interrogations nous renvoient à une réalité amère. «Trop tard, elle vient de mourir…», c'est le titre de l'auteur, Ali Mebtouche, président d'honneur de la Fondation Casbah qui en a trop sur le cœur. Un intitulé qui ne nous rappelle pas moins le fameux opus nostalgique «Il est déjà trop tard, trop tard pour tous les deux (…). Il faut se séparer...», des strophes roucoulées par Frédéric François dans les seventies du siècle dernier. Vous me direz : quel rapport y a-t-il entre le désarroi affiché par les deux auteurs ? L'un est malheureux d'avoir perdu à tout jamais sa bien-aimée, l'autre est dépité, car il a trop de peine de voir son amour pour l'ancienne médina s'effilocher, voire se consumer depuis des lustres. Ce dernier réagit aux dernières nouvelles relatives à la restauration de La Casbah dont le document final lié au plan permanent de sauvegarde vient d'être ficelé. Une autre tentative de réhabilitation, sinon un énième secours qui vole au chevet de la «maudite» Casbah, depuis le Comedor à l'amorphe Ofares en passant par le feu de paille qu'est l'Ofirac. La Casbah et la société civile, une longue histoire d'amour avec ses aléas que tentent d'édulcorer les politiques lors de timides manifestations. Depuis l'Indépendance à ce jour, on fait semblant de gratter ses murs lézardés, on se presse à chauler ses parois lors du passage de cortèges officiels et autres délégations de touristes à qui on montre ce qu'on veut qu'ils voient, à défaut de leur mettre presque des œillères pour ne pas les choquer par la saleté envahissante et la décrépitude des lieux ancestraux devant lesquels le quidam reste en carafe. Un site historique qui abrite à peine 500 demeures et non 1816, comme charrié de manière surfaite par un des responsables. La Casbah et ses pensionnaires semblent se regarder en chiens de faïence. Qui abandonnera l'autre ? Qui abdiquera devant l'indigence criante du terrain meublé de centaines de bâtisses en détresse, sans compter les 7 hectares pleins de vide. L'on nous ressasse à l'envi que cette fois-ci le taureau est pris par les cornes. L'on nous fait accroire que ce legs séculaire, patrimoine mondial, sera pris à bras-le-corps. Mais cela prendra le temps qu'il faut. La phase d'urgence étant opérée, il n'y a pas lieu de se bousculer ni d'accélérer le processus anti-dégradation, même si derrière les parois murées et étayées, le squat continue de l'émietter. Quant à la citadelle, faudra-t-il faire appel à un autre Baba Aroudj et un autre Dey Hussein pour nous réaliser les modules flétris, à défaut d'une restauration qui fait du surplace depuis 31 ans ? On ne sait, en tout cas, si le cri de colère du président d'honneur de la Fondation est lancé à tort ou à raison. Une chose est sûre, il n'a pas perdu la raison.