L'heure de nos rues se fait mendiante tant le fléau de la mendicité gagne chaque jour que Dieu fait les espaces de la cité. Des grappes de gens, flanqués de leur marmaille, squattent des pans d'arcades, des culs-de-sac, passerelles et autres passages piétons, tendant la sébile depuis les premières lueurs du jour. C'est le thème de l'émission de radio El Bahdja, «Biban El Bahdja», animée, il y a quelques jours, par Mina Ziri, accompagnée du foisonnant anecdotier et inépuisable orateur, Dahmane Aïssaoui. Et comment ne pas s'intéresser à ce phénomène qui prend de l'ampleur dans nos villes et qui interpelle politiques, sociologues et médias entre autres ? Entre le sentiment d'apitoiement qu'ils suscitent chez les passants et la gêne qu'ils causent le long de certaines artères, ces indécrottables et faux mendigots ont l'avantage de rester anonymes. Ils usent de toutes les ruses avant de se fondre dans la cohue citadine qui se veut chaque jour bien pesante. Ce qui ne les empêche pas de «trimer», la mine affectée, de manière professionnelle, débitant à loisir une litanie de prières et présentant un attirail de subterfuges pour attendrir les cœurs des passants sur leur condition de mouise. Bébés emmitouflés douillettement, photos de la maisonnée exposée tristement au regard et ordonnance médicale jaunie par la patine du temps sont, entre autres, moyens qui simulent la situation tragi-comique. Ces supposés mendiants dégingandés et loqueteux prennent «possession» des endroits «attitrés», tôt le matin, au-devant des boutiques des artères commerçantes de la capitale, disputant des espaces, parfois, à la cloche, jouant sur le registre de l'apparence mesquine et autres fourberies pour soutirer le sou à ceux qu'ils pensent être en goguette. L'essentiel est de remplir la cagnotte. Une fortune qui s'accroît en douceur et sans douleur. Une fois la besace bien remplie, ils échangent leurs pièces engrangées en monnaies sonnantes et trébuchantes contre des billets de mille dinars chez le commerçant du coin. Habitués à voir ce type de triste «marché» de dupe au quotidien, des gens affirment qu'«en fin d'après-midi, leur mentor vient les récupérer dans un carrosse dans une discrétion totale pour les conduire dans la périphérie d'Alger, avant de les briefer le lendemain pour une nouvelle obole».En attendant de ramasser le pactole.