Un milliard de dollars est la limite suffisante dont bénéficie Sonatrach pour couvrir d'éventuels sinistres, c'est pourquoi son assureur a recours aux réassureurs étrangers pour répartir les risques et récupérer des devises, a souligné Nacer Saïs, PDG de la Cash Assurance dans cet entretien accordé à El Watan Economie. - Sonatrach s'assure auprès de la Cash. Qu'en est-il de sa réassurance ? Vous me donnez là l'opportunité de corriger ce qui a été publié récemment par certains titres de la presse nationale, suite à notre séminaire du 29 novembre dernier, qui ont déclaré que Sonatrach assurait 70% de ses risques à l'étranger. Sonatrach, ou n'importe quelle autre société, n'a pas de lien avec le marché de la réassurance, donc ne peut s'adresser directement au marché de la réassurance. Ce sont les compagnies d'assurances qui traitent avec ce marché en vue de se couvrir elles-mêmes en vue d'être en mesure d'assurer les risques comme ceux de Sonatrach. Cette dernière est donc assurée à 100% par des assureurs algériens, dont la Cash. Nous sommes responsables entièrement vis-à-vis de cette compagnie en cas de sinistre même si au moment du paiement, un des réassureurs s'avère insolvable. Il convient de dire que les assureurs qui couvrent des risques comme ceux de Sonatrach, de Sonelgaz, d'Air Algérie, recourent au marché international pour rechercher les capacités financières dont ils ont besoin pour pouvoir s'engager sur ces risques. Les assureurs se réassurent donc dans le but de préserver leur équilibre et leur pérennité même en cas de survenance d'un sinistre dont le montant dépasse de loin leur fonds propre. L'apport de la réassurance est donc vital pour les compagnies d'assurance.
- Dans le secteur de l'énergie, quel est le pire des scénarios pour Sonatrach et comment peut-on le calculer ? Le pire des scénarios est un tremblement de terre dans un site industriel où il y a une concentration d'installations donc de valeur. On parle de SMP, c'est-à-dire le sinistre maximum possible. Le prix de l'assurance dépend donc de la nature du risque, de la façon dont ce risque est géré, de sa statistique sinistre et de l'exposition de la zone aux aléas naturels. En matière de réassurance, la sinistralité mondiale et l'offre de capacités financières influent également sur les prix. - Comment estime-t-on le SMP en Algérie ? C'est un travail d'ingénieurs et de financiers. On calcule le SMP par site à partir de la concentration des biens et de la valeur de ces biens et la probabilité de propagation de l'aléa une fois survenu, comme l'incendie par exemple. Le SMP est un élément important de la fixation du coût du risque ou bien du prix de l'assurance, car il constitue l'engagement maximum des assureurs. Pour illustrer, nous citons l'exemple d'une installation de GNL avec une valeur par exemple de 3 milliards de dinars. Une estimation de SMP peu conclue que quelle que soit l'ampleur du sinistre, ce dernier ne peut atteindre que 50% des installations par exemple. Donc les assureurs et réassureurs partent de cette hypothèse pour estimer leur engagement et donc leur tarif. - Et la couverture actuelle des risques industriels de Sonatrach, correspond-elle au SMP de ses installations ? Jusque-là nous pouvons dire que la limite d'un milliard de dollars dont bénéficie Sonatrach suffit pour couvrir des sinistres éventuels. Mais un travail d'actualisation de ce SMP doit être initié par les assureurs et les services techniques de Sonatrach pour le revoir pour une simple raison, qu'il y a de nouvelles installations, à l'exemple du GNL Skikda, mais qui seront incorporées à la police exploitation, dont les valeurs sont très importantes. - Le patrimoine industriel de Sonatrach est d'une valeur de plus de 50 milliards de dollars. Est-ce le cas ? La valeur globale de ce patrimoine n'atteint pas ce chiffre à mon sens même si elle n'est pas loin. Il faut dire que la valeur assurée globale n'est qu'un élément de tarification, mais elle ne correspond pas à une sinistralité potentielle, pour la simple raison que cette valeur correspond à des installations très éparpillées. - Quel est l'intérêt de recourir à plusieurs réassureurs étrangers dans le cas de Sonatrach ? Il faut d'abord dire que Sonatrach est à présent assuré par un consortium composé de quatre compagnies. Le but est d'unir les efforts en vue de prendre en charge l'assurance de cet important groupe industriel. Il faut se rendre à l'évidence et dire qu'aucune compagnie d'assurances n'a intérêt à assureur seule un risque comme celui de Sonatrach. Les valeurs sont importantes et l'activité est source d'incidents parfois lourds de conséquences. D'un autre côté Sonatrach n'a pas intérêt à confier ses assurances à une seule compagnie d'assurances vu l'étroitesse de nos capacités financières comparée à la taille des risques assurés. Au plan de la réassurance, le même langage peut être tenu. Nous nous réassurons dans le but de répartir le risque sur un plus grand nombre d'acteurs, pour espérer éviter une défaillance de paiement en cas de sinistre important, car ainsi répartie devient facile à supporter pour chacun des intervenants. Le consortium a permis de réduire le recours à l'étranger dans le cadre de la réassurance de Sonatrach, en faisant passer le taux de rétention de 12 à 30%, ce qui est une bonne chose, et ce, au-delà de la transparence assurée dans la passation du marché dès lors qu'on est en présence de plusieurs compagnies d'assurances qui se faisaient d'habitude la compétition. En termes de prix, le consortium a pu réduire le coût de l'assurance de Sonatrach de 15%, ce qui est encourageant pour une première expérience. L'explication réside dans le fait que les assureurs se sont présentés en rangs serrés et ont le marché international en compétition. Le recours à la réassurance internationale, au-delà des considérations techniques déjà rappelées, permet à l'assuré comme Sonatrach de disposer en cas de sinistre de ressources en devises en vue de remplacer les équipements ainsi endommagés ou perdus. Cela évite bien entendu le recours aux ressources nationales en devises. Lors du sinistre de Skikda de 2004, les assureurs algériens ont récupéré environs 500 millions de dollars, ce qui représente plus de 30 années de primes payées par le groupe précisément. - La Cash est à la fois filiale de Sonatrach et son assureur. Que représente la part de ce client dans votre chiffre d'affaires ? La Cash est une société d'assurance dont l'actionnaire principal est Sonatrach qui détient 50% des parts avec Naftal et les deux autres actionnaires sont la CAAR et la CCR. Depuis 2004, la compagnie, n'étant plus en position de monopole sur le risque du groupe, a réadapté dès lors sa stratégie de développement en retenant la diversification des souscription comme axe majeur de sa politique de développement afin de réduire progressivement sa dépendance vis-à-vis des risques hydrocarbures. Aujourd'hui, la part des risques Sonatrach ne représente qu'environ 25% du portefeuille d'affaires de la Cash et 75% sont réalisés hors Sonatrach avec d'autres activités comme le dessalement de l'eau de mer, le génie civil, les travaux publics, le transport maritime, l'aviation et autres activités et nous sommes en train de développer l'assurance de la PME-PMI. S'agissant de notre chiffre d'affaires, nous terminerons l'année 2010 avec un peu plus de 8 milliards de dinars, soit une légère baisse par rapport à 2009 où le niveau de primes émises par la Cash avoisinait les 9 milliards de dinars. - Justement, qu'en est-il de l'augmentation de votre capital déjà annoncée ? Nous avons eu l'accord de nos actionnaires Sonatrach et Naftal. Il reste celui d'autres actionnaires pour convoquer l'assemblée générale. Il faut rappeler que cette augmentation sera de l'ordre de 5 milliards de DA et fera passer notre capitalisation de 3 à 8 milliards de DA. Elle est devenue nécessaire en raison de l'évolution substantielle de l'ensemble des indicateurs de gestion de la Cash, à commencer par son volume de primes émises et ses engagements. L'objectif étant donc d'accompagner le développement de la compagnie, soutenir sa politique d'investissement, notamment en biens immobilier en vue de renforcer son réseau de distribution, augmenter ses capacités de rétention sur les risques et sa solvabilité. Pour information, l'ensemble des compagnies publiques d'assurances ont fait tout récemment, et pour les mêmes considérations, l'objet de recapitalisation.