Les pandémies, les épidémies, la pauvreté, la misère, les conflits ethniques sont, entre autres, les fléaux qui ravagent aujourd'hui l'Afrique et freinent son développement dans tous les domaines, que ce soit économique, sur le plan de la santé ou éducatif. Tunis. De notre envoyée spéciale D'aucuns estiment que des progrès, voire des exploits, ont été réalisés dans plusieurs pays africains, mais beaucoup reste à faire. Ce «peut mieux faire» est revenu sur les lèvres de l'ensemble des experts qui ont pris part, cette semaine à Tunis, au lancement officiel de la Triennale 2011, prévue à Ouagadougou, au Burkina Faso, en décembre 2011. Organisée par l'Association pour le développement de l'éducation en Afrique (ADEA), un organisme placé sous la chapelle de la Banque africaine pour le développement (BAD), cette triennale sera portée sur l'éducation et la formation pour le développement durable de l'Afrique. Son thème est «Promouvoir les connaissances, compétences et qualifications critiques pour le développement durable de l'Afrique : comment édifier et concevoir une réponse efficace des systèmes d'éducation et de formation ?» Pourquoi une telle thématique ? Qui est l'ADEA et que vise-t-elle à travers l'organisation de cette manifestation ? L'ADEA est avant tout un forum pour le dialogue sur les politiques éducatives, créée en 1998 pour servir de cadre à une meilleure coordination des organismes de développement. Vingt ans après, l'ADEA est devenue une sorte de partenariat entre les ministres africains de l'Education et de la Formation et agit comme catalyseur de politiques et de pratiques porteuses à travers la mutualisation des réflexions, des expériences, des apprentissages et du savoir. «L'Association est un forum qui permet aux ministres de l'Education des pays africains d'échanger et de tirer profit des expériences des uns et des autres. Il s'agit là d'un dialogue politique basé sur un travail analytique. Nous ne demandons des comptes à aucun pays, mais ceux soucieux d'améliorer leur système éducatif appliquent les recommandations issues de nos forums», a souligné, hier, Ahlin Byll-Cataria, secrétaire exécutif de l'ADEA, lors de la séance du lancement officiel de la triennale. Réforme radicale des systèmes éducatifs Des ministres de l'Education de plusieurs pays, de hauts dignitaires africains, un grand nombre de personnalités gouvernementales et de représentants d'institutions continentales et internationales concernées étaient présents à la cérémonie de lancement de la triennale. Boubekeur Benbouzid, ministre de l'Education nationale, a délégué deux représentants de son département pour participer à cette rencontre. Ce lancement marque le coup d'envoi des travaux préparatoires de la triennale, environ un an avant la tenue de l'événement à Ouagadougou. Il vise la mobilisation des membres de l'ADEA et d'un ensemble représentatif des partenaires-clés qui seront impliqués dans le processus de préparation de la triennale. En effet, cet événement réunira les ministres de l'Education et de la Formation de tous les pays d'Afrique, ainsi que les partenaires au développement bilatéral et multilatéral, les fondations, les réseaux de recherche, les ONG, les universitaires, les chercheurs et les praticiens du domaine. Par ailleurs, de nombreux acteurs allant au-delà du secteur de l'éducation et de la formation seront conviés et impliqués dans les travaux préparatoires. La Tunisie a été choisie, quant à elle, pour abriter la cérémonie du lancement de la triennale dont l'objectif essentiel vise, selon les experts, à relever le défi de l'amélioration de la qualité de l'éducation en Afrique. Le but, ont expliqué les intervenants, est de favoriser un ancrage aux impératifs d'une conjoncture marquée par la mondialisation, en particulier l'adaptation des systèmes éducatifs pour former des compétences qui répondent aux besoins des entreprises et du marché de l'emploi. Tour à tour, le ministre de l'Education de Tunisie, suivi de son collègue du Kenya qui est aussi président des bureaux des ministres africains de l'Education, de l'ADEA et de la Conférence des ministres africains de l'Education de l'Union africaine (Comedaf), puis de la ministre de l'Enseignement de base et de l'Alphabétisation du Burkina Faso ont plaidé pour des réformes radicales destinées à mettre à niveau et orienter dans cette direction le secteur de l'éducation dans les pays africains. Un message vidéo a été adressé dans le même sens, aux participants, par l'ancien président du Ghana, John Agyekum Kufuor, relayé par des interventions du vice-président de la Banque africaine de développement (BAD), Kamal Elkheshen, du président et du secrétaire exécutif de l'ADEA, Dzingai Mutumbka, et Ahlin Byll-Cataria. Selon les intervenants, «la triennale constitue l'événement (éducatif continental) le plus important, tant au niveau de la participation, avec notamment une soixantaine de ministres attendus, que de la teneur des discussions axées sur un travail approfondi de recherche et de concertation entre acteurs de l'éducation et de la formation». Sans la volonté politique, l'éducation restera à la traîne… La Triennale 2011 de l'ADEA a pour objectif de promouvoir les connaissances, compétences et qualifications critiques susceptibles de relever le défi du développement durable de l'Afrique et, dans ce contexte, de mobiliser l'ensemble des responsables politiques, économiques et sociaux autour de la nécessité de concevoir et d'édifier des systèmes d'éducation et de formation efficaces et pertinents. Trois sous-thèmes seront explorés par la triennale : le socle commun de compétences pour l'apprentissage tout au long de la vie et le développement durable de l'Afrique ; le développement des compétences techniques et professionnelles (DCTP) tout au long de la vie pour une croissance socioéconomique durable de l'Afrique ; l'acquisition des compétences scientifiques et technologiques, tout au long de la vie, pour le développement durable de l'Afrique dans le contexte de la mondialisation. Face aux contextes actuels difficiles, comment les pays africains peuvent-ils concevoir et mettre en œuvre des réformes transformant ces systèmes de manière à ce que ceux-ci produisent efficacement une masse de compétences critiques pour le développement durable ? Telle est la question à laquelle la triennale de Ougadougou est appelée à répondre. Cette question est importante, lorsque l'on sait que les systèmes éducatifs actuels, en dépit des progrès accomplis, engendrent des chômeurs, alors que la déperdition scolaire connaît dans tous les pays un taux effarant... Cependant, à la question de savoir si la volonté politique existe pour mener à terme les multiples chantiers lancés dans le domaine de l'éducation, Mamadou Ndoye, ancien ministre de l'Education du Sénégal et coordonnateur de la triennale, a tenté de répondre par un schéma très significatif. Pour lui, les signes qui démontrent l'engagement d'un Etat et son intéressement au secteur de l'éducation ne sont pas les discours et les déclarations, mais plutôt les enveloppes allouées à ce département : «Les discours et les déclarations ne sont que des mots et un trompe-l'œil, sans plus… L'important est de donner la priorité à l'éducation», note-t-il.