Al-Qaida au Maghreb islamique étend son influence au Sahel grâce à "des ententes développées" avec des chefs et des tribus Touaregs, dévoile un document obtenu par Wikileaks. Celui-ci rapporte que les américains et les européens sont convaincus du soutien dont bénéficie l'AQMI de la part des Touaregs. "Ni le Mali, ni le Niger ne pourraient compter sur les dirigeants touareg pour lutter contre AQMI", a déclaré le 10 septembre 2009 à Paris, Pascal Teixeira da Silva, responsable de la direction de la stratégie à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en France. Lors d'une réunion secrète tenue à Paris à cette date entre une délégation américaine conduite par Johnnie Carson, secrétaire d'Etat adjoint aux Affaires africaines, et une délégation européenne, composée essentiellement de responsable des divers services de sécurités français et britanniques, les rapports des Touaregs avec l'AQMI ont été passés au crible. Du côté français, on reconnait que "le terrorisme est virtuellement à notre porte", estime Romain Serman, alors conseiller chargé de l'Afrique à l'Elysée, tandis que son collègue Rémi Maréchaux affiche son pessimisme : "Nous avons le sentiment que nous sommes en train de perdre la bataille entre le développement de ces pays et les menaces sécuritaires grandissantes." Ces pays, comme le Niger, le Mali et la Mauritanie, constituent aujourd'hui une grande inquiétude pour les européens car "ils ne sont pas en mesure de surveiller leurs territoires". Et ces territoires sont à présent un "sanctuaire" pour l'AQMI "surtout depuis que les Touaregs développent des ententes avec des éléments d'AQMI", confient aux américains des responsables militaires français, selon un câble diplomatique datant du 30 septembre 2009. Les services français n'hésiteront pas également à émettre l'hypothèse que les Touaregs traitent avec l'AQMI pour organiser les "enlèvements". Et si les américains ne semblent pas avoir confirmé ces graves accusations, il n'en demeure pas moins qu'ils leur accordent une certaine valeur, même si celle-ci est relative. D'ailleurs, les responsables américains présents à cette réunion semblent d'abonder dans le même avis que Pascal Teixeira qui avait déclaré à ses interlocuteurs que " le Mali considère la menace d'une nouvelle rébellion Touareg comme plus dangereuse que celle d'AQMI". Mais y-a-t-il un lien prouvé entre les mouvements de cette rébellion et l'AQMI ? Aucune réponse claire à cette délicate question ne sera fournie par les responsables militaires européens et américains lesquels ont appelé tout de même de développer des actions pour sonder les "motivations" réelles des Touaregs et leurs rapports avec la mouvance de l'AQMI. D'autre part, l'Algérie figure dans le compte rendu de cette réunion. "Il ne peut y avoir aucune solution au Sahel sans l'Algérie", a affirmé à ce sujet Pascal Teixeira qui épingle, néanmoins, les services Algériens pour leur manque de coopération. Selon les responsables français, l'Algérie n'est pas ouverte à la coopération régionale et refuse de fournir des informations à des pays étrangers à la région. A ce propos, Johnnie Carson est revenu lui aussi sur la nécessité "d'impliquer l'Algérie dans un partenariat avec le Mali" pour saborder les réseaux de l'AQMi. C'est l'absence de cet partenariat stratégique qui permet, selon les responsables de la DGSE, aux "150 combattants de l'AQMI au Sahel de disposer d'importantes ressources financières pour se procurer des armes et du soutien logistique". Avec ces ressources et ce soutien logistique, l'AQMI réussit, selon les analyses américains, de recruter et de renforcer sa propagande notamment en Mauritanie où le radicalisme islamiste prend des dimensions alarmantes. "La multiplication des opérations réussies par AQMI a accru sa crédibilité auprès de la rue. Au moment où les multiples rançons payées augmentent sa capacité à conduire des opérations dans la région, nous constatons que de jeunes Mauritaniens sont attirés par Al-Qaida", révèle à ce sujet un télégramme de l'ambassade américaine de Nouakchott, rapporte Le Monde. Tout compte fait, la complexité de la région et les frustrations de ses populations ont nourri une instabilité qui profite aux réseaux de l'AQMI. Et cette situation inquiète au plus haut point l'Europe et les Etats-Unis. Des lors, "nous devrions rester hors de portée des radars", conseille l'amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major particulier du président Sarkozy. Mais le général Ward, commandant-en-chef de l'AFRICOM, a insisté, quant à lui, sur la nécessité de "maintenir un profil bas pour ne pas créer l'impression d'une présence occidentale qui pourrait nourrir un appel au jihad dans la région".