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Tous les pays du Maghreb et du Moyen-Orient recourent à la torture Cécile Marce. Directrice des programmes de l'Action chrétienne pour l'abolition de la torture, ACAT-France
Hier se tenait la conférence de presse de lancement du rapport de l'ACAT sur la torture dans le monde «Un monde tortionnaire : rapport 2010», à l'occasion de la Journée mondiale sur les droits de l'homme le 10 décembre. - Ce rapport dresse un état des lieux des pratiques tortionnaires dans 22 pays. Pourquoi ces pays ? Il s'agit avant tout de rendre compte des pratiques tortionnaires. Nous avons choisi dans cette première édition de nous attacher à 22 pays, répartis sur les cinq continents, en raison de l'actualité de la torture, de l'ampleur des actions menées par l'ACAT dans ces pays, de la diversité des sources dont nous disposons ou encore en fonction des enjeux géopolitiques dont ils sont parties prenantes. Malheureusement, le nombre de pays traités dans ce rapport est loin de correspondre à la pratique de la torture puisque, dans les faits, on retrouve ce fléau dans plus d'un pays sur deux. D'autres fiches pays viendront rejoindre cet état des lieux dans les futurs rapports annuels. - Comment évaluez-vous la situation dans la région Maghreb et Moyen-Orient ? Tous les pays du Maghreb et du Moyen-Orient recourent à la torture, sans exception, mais pas avec la même intensité. En Tunisie et en Iran, pour ne citer que ces pays, la torture est devenue une technique d'enquête à part entière, aussi bien à l'encontre des opposants politiques que des personnes suspectées de crimes de droit commun. En Israël ou en Turquie, la torture existe, mais est loin d'être aussi systématique. Dans tous les pays de la zone, la lutte contre le terrorisme constitue un prétexte majeur de recours à la torture. Malgré le travail précieux des défenseurs des droits de l'homme, l'impunité est toujours de mise. - A quel point les lois concernant la «lutte anti-terroriste» ont-elles favorisé le recours à la torture ? Aujourd'hui encore, de nombreux pays du monde pratiquent la torture sous couvert de «lutte contre le terrorisme». La lutte contre le terrorisme est dangereuse à plus d'un titre : d'une part, elle justifie des législations d'exception qui réduisent les droits et les garanties contre des mauvais traitements, par exemple en limitant l'accès à un avocat. D'autre part, elle sert de paravent à de nombreux gouvernements pour mener des opérations illicites contre des opposants politiques ou des minorités. Et enfin, elle «légitime» le recours à la torture aux yeux de l'opinion publique, comme on a pu le voir dans de nombreuses séries TV. - Comment jugez-vous la position de l'administration Obama face à la torture ? En demi-teinte. S'il faut se réjouir des décisions prises après l'entrée en fonction du président Obama de fermer Guantanamo, de publier certains mémos ou de rappeler l'interdiction de la torture, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Guantanamo est toujours opérationnel, l'ouverture de procédures judiciaires contre les tortionnaires et leurs donneurs d'ordre n'est pas à l'ordre du jour. Quant à l'effectivité de l'interdiction de la torture, l'impunité, l'usage du « secret-défense» et la poursuite du recours intensif aux sociétés privées de sécurité laissent subsister de nombreux doutes, notamment sur les théâtres d'Irak et d'Afghanistan. - Le rapport a soulevé un détail très important, le lien entre torture et médecine. Pouvez-vous nous en dire plus ? Si, a priori, ce lien est loin d'être évident, dans les faits on constate que les tortionnaires s'assurent souvent de la collaboration de médecins, que ce soit pour améliorer l'efficacité des méthodes utilisées, pour en inventer d'autres ou pour surveiller que les victimes ne décèdent pas sous les coups. Il est frappant de découvrir dans les récits de victimes qu'elles étaient fréquemment examinées par un médecin entre deux séances de torture.