Même assuré d'être à l'abri de toutes pressions sérieuses de son plus fidèle allié américain, Israël a tout fait pour que la visite de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, arrivée dimanche soir en Israël, se déroule sur fond de violence. Ainsi le Premier ministre israélien Ariel Sharon pouvait plus facilement éviter d'aborder des questions sérieuses relatives au règlement global du conflit israélo-palestinien d'un côté, et orienter, au contraire, les pressions américaines sur la partie palestinienne, accusée par Israël de ne rien faire contre les mouvements palestiniens armés. Quelques heures avant le début de cette visite, l'armée israélienne a tué un membre de premier plan du mouvement islamiste palestinien Hamas à Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. Amjad Al Hinnaoui, 35 ans, chef local des Brigades Ezzedine Al Qassam, la branche armée de ce mouvement , a succombé à des tirs de soldats israéliens. D'après un communiqué du Hamas, Al Hinnaoui était le chef de sa branche armée dans le nord de la Cisjordanie occupée. Le mouvement radical palestinien a promis « une riposte douloureuse ». Un autre Palestinien, mais cette fois à Ghaza, a été froidement assassiné par une patrouille israélienne, au motif qu'il s'est approché de la clôture qui sépare la bande de Ghaza du territoire israélien. L'armée israélienne qui a brusquement intensifié ses activités militaires dans les territoires palestiniens occupés avait par ailleurs tué, avec le même sang-froid samedi dernier à Jenine en Cisjordanie occupée, un militant des brigades des Martyrs d'Al Aqsa, la branche armée du mouvement Fatah. Les mouvements palestiniens qui ont senti le piège tendu par les Israéliens se sont abstenus de toute riposte. La visite de Mme Rice survient alors que le processus de paix est totalement paralysé. Au début de ses entretiens avec M. Sharon, Mme Rice a salué « le courage » du Premier ministre pour avoir mené à bien le retrait israélien de la bande de Ghaza, achevé en septembre, après 38 ans d'occupation. « J'ai hâte de continuer à travailler avec vous et avec votre équipe en vue d'avancer vers une solution à deux Etats, qui permettrait à Israël et aux Palestiniens de vivre ensemble en paix, débarrassés du terrorisme, dans un Proche-Orient plus démocratique et plus libre et jouissant d'une paix réelle », a-t-elle ajouté. En fait, Israël, qui a quitté la bande de Ghaza, continue d'en faire la plus grande prison du monde puisque, à ce jour, elle empêche la libre circulation des citoyens palestiniens par la fermeture du terminal frontalier de Rafah. L'affaire de ce poste a fait l'objet de longues tractations entre Palestiniens et Egyptiens d'un côté, et Israéliens de l'autre. Ces négociations ont toujours buté sur les exigences israéliennes de poser des caméras de surveillance et d'obtenir des images en temps réel, dans ce terminal, ce que refusent les Palestiniens. « L'accord est presque prêt. Nous avons encore quelques remarques. Mais je peux vous dire qu'il s'agit d'un accord global et qu'il sera appliqué prochainement », a annoncé dans la journée le président palestinien Mahmoud Abbas lors d'une conférence de presse conjointe avec Mme Rice à Ramallah en Cisjordanie occupée. Selon lui, l'accord en question est le fruit d'un compromis présenté par l'envoyé du Quartette (Etats-Unis, Union européenne, Russie, ONU) James Wolfensohn, et ne prévoit pas de présence israélienne au terminal, fermé après la fin du retrait israélien de la bande de Ghaza. Mme Rice est même revenue à Jérusalem lundi soir après s'être rendue dans la capitale jordanienne, retardant sa visite en Asie, afin de pouvoir parachever un accord israélo-palestinien pour l'ouverture du terminal. Israël a ainsi réussi à faire de la simple ouverture d'un terminal frontalier, une question qui prime sur toutes celles qui déterminent le véritable enjeu de la cause palestinienne : l'Etat indépendant et souverain doté d'une continuité territoriale sur toutes les terres occupées en 1967, la ville sainte d'El Qods, et le règlement juste de la question des réfugiés. Signalons que l'accord en question a été conclu dans la nuit d'hier, et sans nul doute, Israël va tenter de le présenter comme une concession majeure. Comme pour son retrait de la bande de Ghaza. Une autre supercherie.