S'adapter ou disparaîtreLes écoles privées d'enseignement général lancées depuis plus d'une dizaine d'années vont devoir se conformer aux nouvelles dispositions législatives au risque de mettre la clé sous le paillasson. La sentence des pouvoirs publics qui juraient de « normaliser » ces établissements est tombée hier à la faveur de l'adoption par l'APN de l'ordonnance du ministère de l'Education fixant les règles d'enseignement dans ces écoles. Désormais, nul ne pourra ouvrir un établissement privé de ce type sans l'autorisation préalable du département de Boubekeur Benbouzid. C'est là, en effet, l'une des plus dissuasives clauses contenues dans le cahier des charges confectionné par le ministère pour s'assurer le contrôle de ces écoles. Le ministre s'est fait fort hier de préciser devant les députés qu'« il est fait obligation aux écoles privées d'utiliser la langue arabe comme unique instrument linguistique pour l'enseignement des programmes scolaires ». Fini donc l'enseignement des programmes dans la langue de Voltaire au sein de ces établissements. De fait, cette ordonnance pondue par le ministère de l'Education et soutenue par le président de la République repose essentiellement sur cette histoire de langue d'enseignement. C'est aussi la principale pomme de discorde entre Benbouzid et les promoteurs de ces écoles depuis voilà une année. Sous prétexte que l'usage du français remettait en cause le sacro-saint principe de la « démocratisation de l'enseignement » et qu'il favorisait le système des « collèges », les pouvoirs publics ont donc tranché légalement la question en optant pour la seule langue arabe comme instrument d'enseignement. Ces mesures visent, selon le ministre, à « inculquer les mêmes valeurs aux jeunes Algériens qui gagneraient à avoir le même référent, faisant ainsi de l'école un facteur rassembleur et non un facteur de division ». Voilà qui confirme l'arrière-pensée ayant présidé à la conception d'un tel texte. Sans doute que cette mesure fera des mécontents parmi ceux, nombreux, qui avaient investi, au propre et au figuré, ce créneau, économiquement porteur et scientifiquement « labellisé ». Des dizaines de ce genre d'écoles qui avaient éclos un peu partout dans les grandes villes, ces dernières années, tomberont inévitablement sous le coup de cette ordonnance. Et en adoptant ce texte, le ministère se donne les moyens légaux de contrôler toutes les écoles existantes. Une autre disposition dispose, en effet, que « seul le programme officiel du ministère de l'Education est applicable dans ces écoles » et qu'elles seront désormais soumises « au contrôle et à une inspection ». Il y est également fait obligation aux écoles privées de faire bénéficier leurs élèves de « programmes préparatifs aux épreuves formelles ». L'ordonnance de Benbouzid est évidemment assortie de sanctions contre ceux qui pourraient être tentés d'enfreindre l'interdit. « A l'instar de tout dispositif juridique, l'ordonnance prévoit des sanctions à l'encontre des contrevenants aux obligations du texte », est-il précisé. Les écoles privées, qui se comptent en dizaines sur le territoire national, n'ont donc qu'un choix : s'adapter ou disparaître. Les arguments développés par leurs promoteurs pour bénéficier de « circonstances atténuantes » n'ont pas convaincu les pouvoirs publics. La langue française est officiellement déclarée hors la loi. Hors des classes. Questions à brûle pourpoint : pourquoi avoir attendu une dizaine d'années pour mettre le holà ? Où vont aller les centaines, voire les milliers d'enseignants francophones qui encadraient ces écoles ? Quel est surtout le sort des enfants scolarisés dans ces établissements qui se sont habitués à l'usage du français ? L'ordonnance du ministère autorise, certes, leur « transfert aux établissements éducatifs publics », mais il est aisé d'imaginer la difficulté de la tâche pour un élève qui a fait l'essentiel, pour certains, de sa scolarité en langue française, de devoir réapprendre ses connaissances en langue arabe. Sur un autre plan, l'ordonnance fait obligation aux propriétaires des écoles privées de déclarer leurs sources de financement, et leur interdit, selon le ministre, « de recevoir des fonds de la part des associations nationales ou autres organismes étrangers sans l'aval préalable du ministère de l'Education ».