La Russie célèbre aujourd'hui ses services secrets, ce jour étant communément appelé «Jour des Tchékistes». Cette fête est un hommage à la Tchéka, à la fois organe de répression politique et service d'espionnage créé le 20 décembre 1917 par Lénine.En 1995, le président Boris Eltsine a changé le nom de cette fête et le «Jour des Tchékistes» est officiellement devenu le «Jour des membres des services de sécurité». Mais personne n'utilise en Russie une autre expression que «Jour des Tchékistes», d'autant que le maintien de la date symbolique du 20 décembre établit une filiation directe entre les services soviétiques et ceux de la Russie d'aujourd'hui, la Tchéka et ses successeurs : GPOU, NKVD, KGB... Pour l'intelligentsia libérale en Russie, comme pour la plupart des Occidentaux, la Tchéka et ses successeurs sont synonymes d'histoire sanglante, de répression, de millions de fusillés, déportés ou morts au goulag. Les autorités préfèrent mettre l'accent sur les succès des services secrets soviétiques. Début décembre, une plaque commémorative célébrant les mérites de Kim Philby, haut responsable du renseignement britannique et agent double au profit de Moscou pendant la guerre froide, a été fixée dans la capitale sur un bâtiment des services de renseignements extérieurs russes, le SVR. Ces derniers mois n'ont pas été très heureux pour le SVR : découverte cet été aux Etats-Unis d'un réseau d'illégaux (dix Russes opérant sous une fausse identité), grâce aux révélations d'un officier du SVR passé à la CIA, suivi début décembre de l'arrestation à Londres d'une Russe de 25 ans, Katia Zatuliveter, soupçonnée d'être aussi un «agent dormant» de Moscou. Ces aléas ne freinent en rien la parution en Russie d'un grand nombre de livres à la gloire des services. L'un des derniers du genre, paru en décembre, est un livre de souvenirs sobrement intitulé Comment étaient formés les traîtres, écrit par un ancien général du KGB. Ces ouvrages peuvent susciter des vocations. «Des livres, des films m'ont fait rêver d'une vie d'espion, cela me paraissait inaccessible comme la planète Mars», a confié Vladimir Poutine, un ancien du KGB, en parlant de sa jeunesse, dans un livre publié en 2000, peu avant son arrivée au Kremlin. Auteurs d'un livre paru jusqu'à présent seulement en anglais, The New Nobility - The rebirth of the Russian Security Stat, deux journalistes soulignent la puissance acquise par le FSB (sécurité intérieure) dans les sphères du pouvoir et des affaires depuis l'arrivée au pouvoir de Poutine. «Quelle qu'ait été la puissance du KGB à l'époque soviétique, il devait rendre des comptes au Parti communiste. Aujourd'hui, le FSB bénéficie d'une liberté illimitée et ne rend de comptes ni au Parlement ni à l'opinion publique. C'est tout juste s'il rend des comptes au Kremlin, faute de mécanisme adapté», ont estimé les auteurs de l'ouvrage. Ceux qui, pour le 20 décembre, cherchent un cadeau pour un ancien du KGB ou un collaborateur du FSB consulteront avec profit le site qui offre un large choix d'articles spécialisés. On y trouve briquets ou assiettes ornés du portrait du fondateur de la Tchéka, Feliks Dzerjinski, montre gousset avec le portrait de Iouri Andropov, ancien chef du KGB et symbole de la lutte contre la dissidence, insignes de la police politique stalinienne, portrait de l'un des chefs les plus cruels de cette force, Lavrenti Beria... Les amateurs de kitsch peuvent commander pour l'équivalent de 40 euros un gâteau de 5 kg sur lequel figurent les lettres KGB, les glaives et le bouclier formant le blason de cette institution.