Le personnage de Ismâe ya Abdessamîe veut se rendre utile en société. Il tente de remettre en marche des moulins à vent pour sauver le monde de la faim et pense dur comme fer que les pneus usagés, qui entourent sa mansarde, puissent resservir un jour à faire rouler les engins en panne. Maroc De notre envoyé spécial Le héros, imaginé par le dramaturge marocain Abdelkrim Berrechid et mis en scène par le jeune réalisateur Maê El Âinine Inami, est un bâtisseur de rêves sans lendemain, un crédule invétéré. Par contre, sa femme, elle, rêve tout simplement d'enfants pour animer la demeure familiale et créer un lien filial et affectif autour d'elle . Toute la pièce est articulée autour de cette incompréhension «en va et vient» de ces deux personnages condamnés à cohabiter, à défaut de s'entendre. Abdessamîe a l'ambition de changer la face du monde et El Khamssa est dans l'envie immédiate de se donner une raison de vivre concrète, des enfants et pourquoi, pas des bijoux pour faire saliver les voisines. Les intérêts se télescopent, les divergences s'accumulent et l'entente est différée pour plus tard. L'alternance entre fantasmes sans limite et réalité sans alternance est rendue avec intelligence et élégance par deux interprètes qui n'arrêtent pas de s'interpeller sur leur justification sur terre. Ainsi, cette pièce écrite et jouée, il y a plus de trois décades, retrouve une seconde jeunesse à travers des références témoins du monde d'aujourd'hui dans ses frénésies matérielles, ses fureurs technologiques et ses mirages fabriqués pour servir les puissants . Le metteur en scène étoffe le registre d'écriture de départ par des clins d'oeils à la société de consommation qui, constate-t-il, ne peut se réaliser que dans la boulimie. La boulimie de tout et en tout. L'histoire du duo est la même, mais les temps ont changé et Khamssa n'a pas encore admis que son mari ne soit plus là . Elle continue de le chercher parce qu'il lui avait promis de revenir. Elle le recherche sur le visage des autres hommes qu'elle rencontre sur son chemin, elle rêve encore de faire des enfants avec lui. La mise en scène est débridée, très souvent libérée du conventionnel. Il y a du rythme, du rire, beaucoup de rires, de la tendresse à revendre et de la complicité fusionnelle entre Maê El Ainine Et Amina Firaoun. Les lumières et la musique de scène ne sont là que pour suggérer, aider à la compréhension du sens. Khamssa sait qu'elle est démunie, mais l'espoir ne la quitte pas, sauf que l'espoir ne suffit pas à trouver le mari, pérenniser l'âtre d'un foyer; faire tourner les bras des moulins à vent et enfanter la vie. Enfanter pour continuer sa vie. A la fin du spectacle L'auteur Abdelkrim Berrechid a chaleureusement félicité les comédiens de cette nouvelle version de Ismâe Ya Abdessamîe. Rappelons que l'homme de théâtre a été honoré par la direction du Festival maghrébin pour l'ensemble de son oeuvre. Emu par les marques de sympathie, qui lui ont été prodiguées, lors de cette cérémonie de reconnaissance qui a regroupé de grandes personnalités du monde du théâtre maghrébin, le père du théâtre cérémoniel El Masrah El Ihtifali à réaffirmer son engagement à continuer d'écrire pour tous ceux qui rêvent de changer le monde en un univers meilleur, un monde plus juste où les valeurs comme l'amour de son prochain, la paix pour son voisin, la justice pour le plus grand nombre et la tolérance envers ses concitoyens de l'humanité seraient érigées en loi au dessus de tous.