Le désagréable déficit en organisation qui a caractérisé ce 9e Salon du livre d'Alger (SILA) n'est somme toute qu'un épiphénomène que l'on peut oublier une fois éteints les lampions de la rencontre. On ne peut, par contre, passer sous silence le message délivré par une manifestation censée être la quintessence des rendez-vous culturels. Les vrais professionnels de l'édition, aussi bien algériens que français en passant par les Maghrébins, ne se sont d'ailleurs pas trompés sur l'importance de la manifestation, d'autant plus qu'ils la connaissent dorénavant très bien. Ils n'y étaient pas en force ni même en grand nombre. Ceux qui ont fait le déplacement n'ont pas eu recours à l'avion cargo ni aux conteneurs pour achalander leurs stands et se sont contentés d'une présence symbolique. C'est ainsi que le SILA a tendance, au fil des années, à devenir un inquiétant souk du livre religieux. Des maisons d'édition d'Arabie Saoudite, d'Egypte, de Syrie, d'Algérie, d'Iran et d'autres pays arabes dont les fonds livresques sont essentiellement constitués d'ouvrages traitant avec une redondance de métronome des thèmes chers aux savants d'El Azhar et autres centres de rayonnement de la pensée religieuse conservatrice, ont accaparé le plus gros des espaces de l'exposition. Ce déséquilibre est-il réellement le fruit d'une réalité de l'édition du monde arabe, des tendances de lecture des Algériens ou bien un choix éditorial imposé par des volontés politiques qui, dans tous les cas et en toute circonstance, continueront à vouloir faire tourner la roue de l'histoire vers le passé quoi qu'il en coûte aux populations ? Il semble bien difficile de produire avec des prix défiant toute concurrence autant de livres consacrés à une seule discipline sans le soutien financier des pétrodollars du Golfe. La prise d'assaut du marché algérien par des éditeurs (ou peut-être de commerçants avertis), relève en toute évidence d'un plan, voire même d'une stratégie qui s'inscrit dans la démarche wahhabite de fanatisation des populations musulmanes. Malheureusement, il se trouve que maintenant les responsables politiques algériens acquis à cette démarche sont de plus en plus nombreux. Avec la mort du cinéma, le recul du théâtre, le sinistre de l'école et, maintenant la mort du livre, la désertification scientifique et culturelle ne fait que gagner du terrain. Comment alors maintenir le niveau scientifique des populations, des enseignants, des gestionnaires, des administrateurs ? Pourrait-on sauvegarder leurs compétences à coups de sermons et de prêches ? Assurément non ! Le fait que le monde arabe soit actuellement au ban des nations, le fait qu'il soit secoué par de terribles violences, le fait qu'il soit faible relève d'une démarche désertée par la raison.