L'ordre du jour de la réunion ordinaire du conseil d'orientation et d'animation de la fondation Casbah n'a pas été épuisé puisque le quorum n'a pas été atteint. Cela n'a pas empêché pourtant une discussion à bâtons rompus de s'engager dans une ambiance bon enfant entre les quelques présents à cette réunion qui s'est tenue jeudi dernier à la cité des sciences (Boulevard Frantz Fanon). Ali Mebtouche, président de la fondation en question, n'a pas manqué, dès l'abord, de dépeindre un tableau peu reluisant de la vieille ville. Il n'hésitera pas, au passage, à décocher des fléchettes acerbes contre, pêle-mêle, l'ancien wali d'Alger, M. Nourani, et la presse nationale qui, selon l'orateur, n'a pas « joué le jeu » et ne s'est fait pas l'écho des efforts que font les membres de ladite fondation pour redonner vie au cœur historique de la capitale. « L'ancien wali d'Alger a tout bloqué. Alors que nous avons arrêté un schéma général en 1998, soumis au chef du gouvernement de l'époque, Ahmed Ouyahia, en l'occurrence, qui a accepté les conclusions et dégagé des aides conséquentes. Des familles devaient être recasées pour la circonstance et une démarche pour la restauration par îlot des vieilles douirette devait intervenir, mais rien n'a été fait depuis l'arrivée de M. Nourani. C'est à croire que l'ancien wali avait une dent contre La Casbah ou des atomes crochus avec le gouverneur du Grand-Alger », tonna l'orateur. Et d'ajouter plus loin que les choses sont restées en l'état du fait essentiellement, mais pas seulement « des pérégrinations malheureuses qu'a connues le pays durant la décennie écoulée ». Le président signalera, chiffres à l'appui, les sommes colossales allouées aux différents projets de restauration de La Casbah sans que les Casbadjis en connaissent les vraies teneurs. Il demandera, pour sa part, que La Casbah soit reconstruite identique à l'ancienne, ce qui a soulevé quelques remous dans l'assistance. Aussi, il suggérera que les échoppes qui s'y trouvent soient ouvertes et confiées à des gens dont les actions pouvent aller de pair avec les us et coutumes des habitants. Il avancera par ailleurs deux solutions pour démêler l'écheveau. La première consiste tout bonnement dans la prise en charge sans coup férir la restauration de La Casbah. L'autre, moins réaliste, a trait à l'éventualité de déposer, soutient le président, plainte contre l'Etat algérien pour « abandon de patrimoine en péril ». Piquée au vif, Mme Zohra Drif a ajouté, en la circonstance, de l'eau au moulin du conférencier en dénonçant avec un ressentiment, à peine voilé, le sort déplorable fait à la vieille citadelle. « Je pense que les pouvoirs publics programment la destruction de La Casbah », relèvera-t-elle en évoquant le rôle que doit jouer la fondation dans la sensibilisation quant au devenir de La Casbah. Le président, quant à lui, dira que la fondation n'assumera aucunement la responsabilité morale de la destruction par pans entiers de la vieille ville. Pour lui, les propriétaires ont prêté pour leur part le flanc. Mohamed Nabi fera entendre un autre son de cloche en relevant l'indigence de la structure qui se propose de défendre les Casbadjis. « Il faut savoir intéresser les autres sans tomber pour autant dans les travers propres aux nostalgiques », signala-t-il, en posant quelques jalons pour remédier à la situation plus que chaotique dans laquelle se débat ce joyau, classé patrimoine mondial par l'Unesco en 1992. La fondation est, selon lui, une structure non viable et indigente pour « espérer accomplir dans la sérénité ces missions ». Sans omettre, en outre, de signaler les efforts des adhérents qui restent louables. Il battera en brèche les assertions de quelques voix qui soupçonnent une volonté délibérée des pouvoirs publics à laisser les choses en l'état. « La Casbah est un problème parmi d'autres plus complexes et les autorités font ce qu'elles peuvent pour apporter leurs aides, aussi minimes soient-elles », dira-t-il. D'après l'ancien ministre, il est impossible de construire les maisonnettes semblables aux anciennes puisque les résidents n'en veulent pas et caressent, signale-t-il, le rêve de quitter les lieux de leur enfance sans remords aucun. Un membre de l'association des propriétaires relèvera par ailleurs que ces derniers sont passifs et ne veulent pas « se mouiller » dans des actions en justice contre la wilaya dans le cadre de la commission juridique installée par l'association. Les présents relèveront, de plus, les teneurs du plan global arrêté au temps du gouvernorat. « La fondation est une force de proposition et ne saura prêcher une quelconque action de rue », signala le président de la fondation comme pour répondre à un membre, visiblement hors de lui, qui recommandera, sous les railleries étouffées des présents de prendre exemple sur « la révolte des banlieusards » en France pour faire aboutir leurs revendications. Une autre voix dira qu'il suffit d'appliquer les textes en vigueur pour voir la situation changer. Un plan de sauvegarde est concocté et ne demande qu'à être mis en conformité avec les décrets récents qui ont été pris par le ministère de la Culture, signale ce monsieur qui se revendique comme un Casbadji d'adoption. « La volonté, elle y est. Il faut maintenant avoir le courage de faire le pas. » L'application des lois en vigueur reste le seul problème dont souffre La Casbah, concluent les présents.